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L'œuvre accomplie par les

Ingénieurs Royaux en Colombie-Britannique

de 1858 à 1863

Par

SON HONNEUR FREDRICK W. HOWAY


JUGE DU COMTÉ DE WESTMINSTER



Discours présenté devant la « Art Historical and Scientific Association of Vancouver »
[La Société artistique, scientifique et historique de Vancouver]
Le 9 février 1909.


VICTORIA, C.-B.
Imprimé par RICHARD WOLFENDEN, L.S.O., V.D., Imprimeur agréé de
Son Excellente Majesté le Roi.
1910




PRÉAMBULE

Mon très bon ami, le juge Howay a eu la gentillesse de me demander de contribuer quelques lignes d'introduction à son excellente conférence sur le travail de pionnier réalisé par les Sapeurs et Mineurs de Colombie-Britannique, et c'est avec grand plaisir que j'accède volontiers à sa requête.

Une première évocation des membres du corps qui sont restés en Colombie-Britannique après que la majorité soit retournée en Angleterre remet en mémoire les noms de nombreux disparus - dont les descendants sont maintenant des membres très connus dans la vie sociale et commerciale de la province. Ces souvenirs évoquent également le nom de ceux qui sont encore présents parmi nous, notamment et dans ce cas, le colonel Wolfenden, qui pendant plus de 47 ans, a rempli efficacement, en Colombie-Britannique, les fonctions d'imprimeur du Roi.

Les travaux du Juge Howay sur l'événement qui est probablement le plus important dans l'établissement d'un gouvernement civil sur le continent de la province, s'avéreront une contribution importante à la littérature authentique de l'histoire de ce pays.

Les exploits des officiers et hommes du corps resteront pour toujours un facteur permanent dans le développement et la prospérité matérielle de la Colombie-Britannique. Ces faits se classent au rang des traditions les plus élevées des Ingénieurs Royaux.


RICHARD McBRIDE
Bureau du Premier ministre, Victoria, C.-B.
le 21 mars 1910.





Les Ingénieurs Royaux

EN

Colombie-Britannique.

La doctrine de l'évolution n'avait aucune place et n'a joué aucun rôle dans l'établissement de la colonie de Colombie-Britannique. Au printemps de l'année 1858, l'appât magnétique de l'or attira vers le territoire informe appelé Nouvelle-Calédonie une horde de chasseurs de fortune aventureux, « catapultés des quatre coins du monde ».

Le premier contingent de 450 mineurs arriva à Victoria le 25 avril 1858. Relatant cet événement, le gouverneur Douglas dit que : « On les représente comme étant, à quelques exceptions près, un spécimen du pire de la population de San Francisco, à vrai dire le rebut de la société. ». Cependant, il admet qu'ils se sont conduits d'une manière ordonnée et calme pendant leur séjour ici ; et nous savons que certains de nos citoyens des plus respectés et des plus estimés sont arrivés lors de cette première ruée.

Dans les deux semaines du 5 au 20 juin, les bateaux à vapeur Republic, Commodore, Panama, Cortez et Santa Cruz sont arrivés en provenance de San Francisco, ici, à Victoria. Les navires Georgina et William Berry ; les trois-mâts Gold Hunter, Adelaide, Live Yankee et Madonna ; les goélettes Guilietta, Kossuth et Osprey ; et le sloop Cyrkew. Et tous étaient chargés jusqu'aux plats- bords d'aventuriers impatients. Le 27 juin, le Republic est revenu avec 800 passagers ; le 1er juillet, le Sierra Nevada en a débarqué 1 900 et le 8 juillet, l'Orizaba et le Cortez 2 800 de plus.

Par tous les moyens de transport alors connus, maritimes ou terrestres, et comme décrit par Sir Edward Bulwer Lytton (plus tard Lord Lytton), « ce déferlement hétéroclite de mineurs immigrants » se déversa sur le territoire non organisé, jusqu'à ce que leur nombre dépasse, à la mi-juillet, 30 000, réveillant entre-temps d'un rude choc les forts endormis de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Comme le dit le Révérend R.C. Lundin Brown : « jamais dans les migrations des hommes, il n'y avait eu une telle ruée, si rapide et si vaste ».

Le continent de la Colombie-Britannique comprenant le territoire alors connu sous le nom de Nouvelle-Calédonie et pour lequel on avait octroyé, à la Compagnie de la Baie d'Hudson, une permission exclusive de commerce, était encore recouvert du manteau du silence du début. Une vingtaine de forts ou de postes de traite [de la] compagnie, séparés dans la plupart des cas par des centaines de milles, constituaient la seule évidence de civilisation. La chasse, le piégeage et le commerce étaient les seules occupations ; la peau de castor, la seule monnaie ; les voies d'eau naturelles, les Indiens et les pistes de la brigade, les seuls moyens de communication. Il n'y avait aucun semblant de gouvernement ; et la loi de la matraque et des crocs était l'arbitre de tous les conflits.

D'un seul coup, tout ceci fut complètement changé. Le cri de rassemblement avait été lancé, les « appelés » obéissaient et répondaient par milliers à l'attrait irrésistible de « la racine jaune du mal ».

Instantanément, un fardeau énorme était placé sur « la mère des nations . » Cet énorme influx exigeait la formation d'un gouvernement civil; l'instauration de l'ordre public ; la levée et la perception des impôts ; l'étude, l'exploration et le développement du pays ; la construction de routes, de voies et de ponts et les mille et une choses qui sont nécessaires à la transformation d'une région sauvage en un pays de gens civilisés et respectueux de la loi. Et toutes ces choses doivent être faites non progressivement, mais immédiatement ; non séparément, mais ensemble ; non l'une après l'autre, mais simultanément.

James Douglas, le gouverneur de l'île de Vancouver et le directeur de la Compagnie de la Baie d'Hudson à l'ouest des Rocheuses, était comme tel, le plus proche des représentants de la Couronne. Il fut, par lettre, datée du 16 juillet 1858, de Sir Edward Bulwer Lytton, secrétaire d'état pour les colonies, « autorisé par la nécessité du cas » à exercer les fonctions de gouverneur de la Loi organique, en plus de celles résultant de sa nomination officielle et légale de gouverneur.

Douglas, depuis sa jeunesse, était habitué aux autochtones ; il connaissait leurs habitudes, leurs manières, leurs façons de penser et d'agir et il comprenait les motifs et les réactions déterminant leur conduite. Mais comme il le dit lui-même, dans ses lettres au secrétaire d'état, il considérait avec méfiance et consternation ces chercheurs d'or étrangers, ces esprits sauvages et aventureux, dont beaucoup arrivaient de Californie avec une mauvaise réputation et qui, de plus, possédaient des convictions incontestablement anti-britanniques. La venue de chercheurs de terres avait privé la Couronne britannique des champs fertiles de l'Orégon. Cette venue de chercheurs d'or pouvait lui voler la Nouvelle-Calédonie. Avec de telles pensées en tête, il sentait la nécessité d'une « puissance derrière le trône ». Dans une lettre à Sir E.B. Lytton, datée du 19 août, il dit que " Même avec une seule compagnie d'infanterie, on peut facilement conduire les affaires du gouvernement ; mais en ce moment, je dois, et avec l'aide de Dieu, dépendre en grande partie, d'une gestion personnelle et de mon propre pouvoir, ce qui est une situation incompatible avec la dignité du gouvernement de la Reine.

La même pensée apparaît dans l'esprit de Sir E.B. Lytton, car, lors de la présentation, le 8 juillet 1858, devant la Chambre des communes, de la loi établissant un gouvernement en Nouvelle-Calédonie, il parle de « la nécessité de mesures immédiates pour protéger de l'avidité de l'or, par les contraintes de la Loi établie, ce territoire noble et prometteur.  » Cette déclaration abstraite est expliquée en termes pratiques dans une lettre qu'il écrivit plusieurs jours plus tard au gouverneur Douglas et dans laquelle il dit qu'il a l'intention «  d'envoyer en Colombie-Britannique, le plus tôt possible, un officier des Ingénieurs Royaux (probablement un officier supérieur avec deux ou trois subalternes) et une compagnie de sapeurs et de mineurs, composée de 150 sous-officiers et hommes. »

Dans une lettre du 31 juillet 1858, il explique au gouverneur Douglas son opinion sur les devoirs des Ingénieurs Royaux. « Il leur incombera  » dit-il , « de faire le levé topographique des régions du pays qui peuvent être considérées comme les mieux adaptées à la colonisation, d'aborner les terres attribuées à l'usage public, de suggérer un emplacement pour le siège du gouvernement, de désigner où les routes doivent être construites, et de vous apporter toute aide dont ils sont capables. ... Cette force, » ajoute-t-il, «  est envoyée à des fins pratiques et scientifiques, et non à des fins uniquement militaires. Elle devrait donc être paradée le moins possible. »

Sir E.B. Lytton, dans une très longue lettre écrite au gouverneur le 16 octobre 1858, explique les raisons qui l'ont motivé à choisir les Ingénieurs Royaux pour ce travail. Il dit : «  la discipline et l'intelligence supérieures de cette force (qui laissent supposer que ses membres seront bien moins susceptibles que les soldats réguliers de la ligne, de succomber à la tentation de la désertion suscitée par les champs aurifères) et leur capacité de se suffire à eux-mêmes dans un pays sans habitations, me semblent mieux les préparer pour cette mission. En accomplissant leurs tâches de pionniers voués à l'avancement de la civilisation, libérant les ressources du pays, construisant les routes et les ponts, posant les fondations des futurs ports et villes, et en exécutant les nombreuses tâches d'ingénierie qui dans les premiers stages de la colonisation sont si indispensables au progrès et au bien-être de la société, ils se protégeront de la paresse pouvant corrompre le soldat régulier, et ils se forgeront en même temps une place dans la bonne volonté populaire des émigrants par les avantages civils qu'il sera dans leur nature de conférer. »

Le détachement fut envoyé en trois sections principales : tout d'abord, le capitaine Parsons et vingt hommes ; ensuite, le capitaine Grant et douze hommes ; et finalement, le capitaine Luard avec le corps principal. Ceux accompagnant le capitaine Parsons étaient principalement des arpenteurs-géomètres ; ceux accompagnant le capitaine Grant, principalement des charpentiers. Ces deux corps arrivèrent par Panama. Ils avaient quitté l'Angleterre le 2 et le 17 septembre 1858. Le colonel Moody, le commandant, est venu aussi par la même route et avait quitté l'Angleterre sur l'Asia le 30 octobre 1858. Le capitaine Parsons et ses hommes arrivèrent à Victoria le 29 octobre ; le capitaine Grant et ses hommes le 8 novembre, et le colonel Moody, accompagné de sa femme et de ses enfants, arriva à Victoria le jour de Noël 1858.

Le groupe du capitaine Grant, bien que le deuxième à atteindre Victoria, fut le premier à entrer en Colombie-Britannique. Ils furent embarqués sur le Beaver le 14 novembre 1858 et envoyés vers le Fort Langley. Le groupe du capitaine Parsons accompagnait le gouverneur Douglas et d'autres représentants officiels de la nouvelle colonie de Colombie-Britannique qui avaient voyagé sur le H.M.S. Satellite, de Victoria au Fort Langley le 16 novembre. À Point Roberts, les représentants et leur garde du corps furent transférés sur les vapeurs de la Compagnie de la Baie d'Hudson Beaver et Otter, qui arrivèrent à Langley le 18 novembre. Là, le groupe du capitaine Grant les accueillit avec les honneurs militaires requis. Ces deux sections des Ingénieurs Royaux participèrent aux cérémonies du jour suivant, en l'honneur de la naissance officielle de la colonie de Colombie-Britannique.

La troisième section, comprenant le corps principal, était partie de Gravesend le 10 octobre 1858 et des Downs une semaine plus tard, sur le clipper Thames City, de 557 tonnes et elle était commandée par le capitaine Glover. Deux subalternes (les lieutenants A.R. Lempreiere [sic] et H.S. Palmer), un chirurgien-adjoint administratif (J.V. Seddall), 118 sous-officiers et hommes, 31 femmes et 34 enfants sous le commandement du capitaine H.R. Luard, des Ingénieurs Royaux, formaient cette section.

Une portion des vivres et réserves pour le détachement fut envoyée sur le trois-mâts Briseis qui partit des Downs le 27 octobre 1858. Il avait été prévu d'y faire voyager quatre hommes mariés du détachement sous les ordres du caporal William Hall, mais une fois le vaisseau chargé, on s'était aperçu qu'il n'y avait pas suffisamment de place pour eux. Ce qui fut heureux car le Briseis brûla en mer et les passagers et l'équipage durent subir beaucoup d'épreuves avant de se trouver en sécurité. Le reste des réserves et provisions fut envoyé sur le navire Euphrates qui quitta les quais de Londres le 3 janvier 1859 et arriva à Victoria le 27 juin 1859. Il transportait les quatre hommes mariés et leurs familles dont il est question plus haut, le sergent Rylatt, le cambusier et sa femme ainsi que Mme James Keary, son fils W.H. Keary, le maire actuel de New Westminster, qui n'était alors qu'un nourrisson.

L'intérêt porté par Sir E.B. Lytton à l'édification de la colonie et à tout ce qui pouvait lui assurer de solides fondations est démontré dans le soin et l'attention qu'il porta au choix et à l'équipement des Ingénieurs Royaux. Il croyait à la nécessité d'un environnement littéraire convenable et les hommes du détachement ayant réuni les fonds nécessaires à l'achat d'une bibliothèque, il entreprit d'en sélectionner personnellement les livres. Il en résulta une bibliothèque petite certes mais complète, qui après la démobilisation des Ingénieurs en 1863 fut transférée au Mechanics' Institute (Institut de Mécanique) à New Westminster et constitua le noyau de la première bibliothèque publique de la colonie. Une description de cette bibliothèque, telle qu'elle existait plusieurs années après, peut être trouvée dans le livre de Morley Roberts « Western Avernus ». Lors du départ du capitaine Parsons, sur le navire La Plata, Sir E.B. Lytton alla à bord et fit un assez long discours à l'assemblée, dans lequel il leur fit remarquer combien il se sentait concerné par leur sort. Dans le même discours, il insistait sur le fait que le succès de la nouvelle colonie dépendait de leurs efforts et de ceux de leurs camarades. Nous ne devons jamais oublier - en fait, cela devrait être un plaisir de nous rappeler - que l'auteur des « Derniers Jours de Pompéi » était aussi le père de la colonie de Colombie-Britannique. De cela, il était, dit-il, « le plus fier » et en septembre 1861, dans un discours aux électeurs de Hertford, qu'il représentait à la Chambre des Communes, il exprima l'espoir que les futures générations puissent se rappeler son nom en pensant à la naissance d'une colonie destinée, croyait-il, à être la plus prospère de toutes celles où notre langue est actuellement parlée.

Il ne faut pas croire que le détachement envoyé en Colombie-Britannique était simplement l'une des quarante compagnies constituant à l'époque les Ingénieurs Royaux. On ne pourrait pas se tromper plus. Ses membres étaient soigneusement sélectionnés parmi un grand nombre de volontaires pour ce service. La sélection était faite avec le souci d'inclure dans les rangs de ce corps tous les métiers, professions et vocations qui pouvaient se révéler utiles pour faire face aux conditions créées par l'essor surprenant survenu dans la colonie de Colombie-Britannique. Et bien qu'il soit appelé un détachement des Ingénieurs Royaux, il y avait quatre hommes qui n'appartenaient pas du tout aux Ingénieurs Royaux, deux de l'Artillerie Royale et deux du 15ième des Hussards, qui avaient été incorporés avec l'objet de former le noyau d'un corps d'artillerie ou de cavalerie au cas où les circonstances le nécessiteraient.

À l'arrivée des groupes du capitaine Parsons et du capitaine Grant au Fort Langley, ils furent envoyés à New Langley ou Derby, avec pour objet de construire les bâtiments nécessaires au logement des forces. En attendant, le brigantin Recovery de la Compagnie de la Baie d'Hudson fut réquisitionné pour leur hébergement.

Le corps principal, comme je l'ai déjà dit, avait quitté l'Angleterre le 17 octobre 1858. Il leur fallut plus de six mois pour faire le long voyage autour du cap Horn, même avec un clipper et ils ne jetèrent l'ancre dans le port d'Esquimalt que le 12 avril 1859. Les seules escales furent les Malouines dont le colonel Moody avait été gouverneur autrefois et Valparaiso.


LA GAZETTE DES SOLDATS ÉMIGRANTS


Parmi les diverses façons de faire passer la triste monotonie du voyage, la préparation et la présentation d'un journal se rangeaient au premier rang. « The Emigrant Soldiers' Gazette and Cape Horn Chronicle » [La Gazette des soldats émigrants et la chronique du cap Horn] était un journal original, édité par ce génie aux multiples talents, le caporal adjoint Charles Sinnett, aidé du lieutenant H.S. Palmer et « publié au bureau du rédacteur en chef, cabine tribord, Thames City ». Il était lu par le capitaine Luard devant l'assemblée réunie tous les samedis soirs. Tout y était noté : les petits événements survenant sur le bateau, les décès et les naissances (il n'y avait pas de mariages), l'histoire naturelle du voyage, l'inscription des trajets journaliers accomplis, les plaisanteries, les farces, les devinettes, les morceaux originaux et choisis de prose et de poésie, tout ceci remplissait ses colonnes. Il est intéressant de noter les enfants suivants parmi les naissances survenues durant le voyage : un fils du sapeur Linn, après lequel a été nommée la crique Linn, du côté nord du port de Vancouver, une fille du sergent Jonathan Morey, dont le nom même (Marina) indique qu'elle était née en mer, un fils du sapeur Murray et un fils du sapeur Walsh. Vous me pardonnerez si je vous présente un exemple d'effusion poétique ainsi créée, intitulée « Le mariage d'Huthlicault » et chantée par le corporal Sinnett lors d'une représentation théâtrale le 4 mars 1859 :
Je vais vous chanter mes amis un chant des Malouines,
Au joyeux refrain et aux nombreuses lignes,
Je vais vous parler de la bonne assemblée,

Au joyeux mariage de Huthlicaut,
Geordie Cann fut le premier arrivé.
Ensuite arrivèrent Osment et Wolfenden,
Avec Dick Bridgman et Jock Mc Murphey,
Tous en sautant arrivèrent aux noces.
Il y avait Rogerson et Morey aussi,
Et Lindsay se joignit à la fête,
Et Smith arriva avant qu'elle ne soit commencée,
Au mariage de Huthlicaut.
Il y avait Normansell et Blithe Woodock,
Et Launders entra dans la joyeuse troupe,
Et Sinnett avec sa blouse sale,
Mon Dieu, il sabra les épousailles !
Comme vous pourrez l'observer, les noms propres ont été insérés dans la poésie d'une manière digne d'un Macaulay. Après avoir rempli quatre autres couplets avec une liste des autres personnes présentes, le soi-disant poète continue en décrivant les bonnes choses. Les tables en gémissaient, dit-il :
Avec du Haggis et une bonne soupe de chou frisé,
Avec du cognac, du vin et des mint-juleps,
Avec de la bonne bière brune qui remplissait les chopes,
Au joyeux mariage de Huthlicaut.
Avec du jambon, du boeuf et du mouton aussi,
Avec l'ambroisie d'athol, du ragoût irlandais,
Avec une variété de tartes et de pâtés,
Au joyeux mariage de Huthlicaut.

Le manuscrit original du journal, écrit de la propre main de Sinnett, est conservé dans les archives de la Province et a pu, sans aucun doute, être vu par les nombreux visiteurs de l'exposition Simon Fraser à l'Exposition de New Westminster l'année dernière. Peu après l'arrivée du corps à New Westminster, le journal fut publié par le défunt Honorable John Robson, alors rédacteur en chef du « Columbian ». Cette édition étant épuisée, le gouvernement provincial, en 1907, réimprima le journal dans un style des plus agréables et recherchés. De plus, le journal était embelli de belles photos des officiers du corps.

Je me suis souvent référé à ce journal, non seulement à cause de sa valeur intrinsèque et de son intérêt en tant que document historique concernant cette province, mais aussi et tout particulièrement parce que sa lecture attentive montre mieux que toutes les phrases que je pourrai écrire, les compétences multiples des membres du corps.

Quand le colonel Moody arriva enfin, le corps de charpentiers qui travaillait depuis la fin du mois de novembre, avait construit à New Langley ou Derby, beaucoup des bâtiments militaires requis. Se rappelant qu'il était dans ses fonctions de suggérer un emplacement pour le siège du gouvernement, le colonel Moody se mit à étudier les possibilités offertes par New Langley ou Derby, alors capitale à titre provisoire. Pour des raisons sanitaires, commerciales, militaires et politiques, le colonel condamna sans hésitations cet endroit et le remplaça par le site sur lequel s'élève maintenant la ville de New Westminster.

L'endroit choisi pour le camp des Ingénieurs Royaux se trouve à la jonction de La Brunette et du Fraser, l'emplacement actuel de la prison provinciale. C'est à cet endroit que les groupes du capitaine Parsons et du capitaine Grant furent transférés en mars 1859.


LA « GUERRE » DE NED McGOWAN.


Avant leur transfert de New Langley et alors que les Ingénieurs Royaux n'étaient constitués que des contingents du capitaine Parsons et du capitaine Grant, ils furent appelés pour la première action militaire s'étant déroulée dans la colonie. L'incident est sans importance mais il peut être utile pour démontrer comment une agression banale peut se transformer en accusation de haute trahison.

Sachez qu'à l'époque, à Yale et à Hill's Bar, deux milles plus bas, résidaient deux juges, aux noms respectifs de Whannel et Perrier, extrêmement jaloux l'un de l'autre. Le jour de Noël 1858, soit dit en passant le premier Noël en Colombie-Britannique, un mineur, Farrel, un habitant de Hill's Bar, s'en alla à Yale, dans un état d'ébriété un peu trop avancé. Se promenant le long de la rue unique, il aperçut un noir, Dickson, qui se tenait à la porte de son salon de coiffure. Pensant, comme Sir Anthony Absolute, qu'il ne devait pas respirer le même air, se servir de la même lumière, ou entrer dans le même hémisphère que lui, il agressa d'une manière sévère et injustifiée le pauvre Noir. Les échos de sa conduite parvinrent jusqu' à Hill's Bar.

Le magistrat de Hill's Bar, considérant que Farrel résidait dans sa juridiction et qu'il aurait dû s'y enivrer et suivant, peut-être, l'adage disant que « l'équité considère ce qui a été fait comme ce qui aurait dû être fait », en vint à la conclusion qu'il devait enquêter sur l'affaire, bien qu'elle ne se soit pas produite dans sa juridiction, mais dans celle de son collègue de Yale. Il envoya donc son gendarme, à Yale avec un mandat d'arrêt, pour embarquer le coupable. Mais avant que le gendarme n'arrive, Farrel avait déjà été arrêté par les autorités de Yale. Le gendarme lui-même fut arrêté et incarcéré pour outrage à l'autorité de la justice pour être entré dans Yale avec une telle intention, ce qui, pensait le juge de Yale, démontrait son manque d'impartialité. Ceci provoqua la colère du magistrat de Hill's Bar. Le célèbre Ned McGowan habitait alors Hill's Bar. C'est probablement à sa suggestion, puisqu'il avait été juge en Californie, que le magistrat de la barre Hill lança un mandat d'arrêt pour le juge de Yale et son gendarme pour outrage à l'autorité de la justice lors de la mise aux arrêts du gendarme de la barre Hill. Ainsi armé et accompagné d'un détachement de la barre, Mc Gowan alla jusqu'à Yale, mis aux arrêts le juge de Yale et son gendarme, ouvrit la prison et libéra le gendarme de la barre Hill. Il prit également possession « de l'objet du litige », c'est-à-dire le coupable par qui tout avait commencé. Quand l'affaire fut jugée devant le juge de Hill's Bar, de fortes amendes furent imposées, tout spécialement au confrère juge pour outrage au tribunal.

Le magistrat de Yale, profondément outré, fit savoir au gouverneur Douglas, que le fameux Ned Mc Gowan, le renégat des renégats, avait forcé les portes de la prison de Yale et qu'il était au cœur d'un complot qui visait le renversement du pouvoir britannique dans la colonie pour pouvoir mieux l'annexer aux États-Unis.

Le gouverneur appela le colonel Moody à l'aide afin de briser cette soi-disante rébellion. Vingt-cinq sapeurs sous le commandement du capitaine Grant et un groupe de la Cavalerie de la Maison du Souverain et de fusiliers marins s'embarquèrent pour Yale, avec une pièce d'artilleriede campagne. Et afin que les traitres, une fois arrêtés, soient jugés sans délais, le juge en chef Begbie accompagnait l'expédition.

Bien sûr, dès que le groupe eut atteint Yale, la vérité se révéla bien vite. Le manque de temps m'empêche d'entrer dans tous les détails de cet opéra bouffe relaté dans le livre intéressant, écrit par le lieutenant Mayne. McGowan se lança dans une brillante et convaincante défense de sa conduite lors des chamailleries au sujet de la dignité des juges. Il emmena le juge en chef et les officiers à Hill's Bar, leur montra comment laver le « gravier » et finalement les invita pour un déjeuner au champagne dans sa cabane. Mayne dit : « Quelle que soit l'opinion du comité d'autodéfense de San Francisco au sujet de ces messieurs (McGowan et ses amis), je ne peux que dire, de mon opinion à leur sujet, toutes choses considérées, que j'ai rarement déjeuné avec un groupe plus plaisant et s'exprimant mieux. ».

Les juges au mauvais caractère perdirent tous deux leurs commissions. Les Ingénieurs Royaux bénéficièrent d'une sortie. La colonie paya les dépenses - et elles étaient élevées - et la guerre de Ned McGowan, comme l'incident fut dénommé, resta dans les mémoires comme ayant eu encore moins d'effusions de sang que quelconque révolution sud-américaine ou que la fameuse « bataille des Spurs ».


LES PROBLÈMES À SAN JUAN.


Vers la fin de l'été 1859, des problèmes surgirent à San Juan et bien que l'ordre chronologique ne soit pas respecté, le moment semble opportun de les rappeler, afin de pouvoir comparer les deux occasions au cours desquelles les Ingénieurs Royaux ont dû accomplir leurs devoirs militaires.

La possession de l'île de San Juan était une question de litige entre la Grande-Bretagne et les États-Unis depuis environ 1854 mais ce n'était rien en comparaison de la « guerre de comédie » qui prit naissance sur l'île en juillet 1859. Comme les ennuis racontés ci-avant, l'imbroglio de San Juan a son origine dans un incident sans importance.

Sur l'île de San Juan, la Compagnie de la Baie d'Hudson possédait une ferme sur laquelle il y avait un porc « historique ». Un certain L.A. Cutler résidait sur l'île et il y cultivait un champ de pommes de terre. Vers le 15 juin 1859, ce porc pénétra dans le champ de pommes de terre et fit des dégâts. M. Cutler, fou de colère, l'abattit d'un coup de fusil. La compagnie était furieuse et exigea des dommages exorbitants pour la perte du porc. Vous savez que rien n'augmente la valeur d'un animal comme un accident. Il est dit que la compagnie avait menacé de traîner Cutler devant le tribunal à Victoria.

À la même époque, le général de brigade W.S. Harney, qui commandait les services militaires américains de l'Orégon - Deus ex machina - visitait San Juan et suite à une demande « des citoyens américains de l'île de San Juan », il ordonna à une compagnie de soldats, sous le commandement du capitaine Pickett, d'occuper l'île afin d'assurer leur protection contre les ingérences des autorités britanniques de l'île de Vancouver et de la Compagnie de la Baie d'Hudson. La lettre brusque et presque injurieuse du général Harney à ce sujet est reproduite dans le document « San Juan Water Boundary » [Limites des eaux de San Juan] du Vicomte Milton, à la page 272.

Le gouverneur Douglas protesta contre cette occupation. Il fit plus que protester. Il demanda au colonel Moody d'intervenir militairement. Comme la plus grande partie des Ingénieurs Royaux était dispersée à travers la colonie, le colonel Moody ne pouvait qu'envoyer quarante-quatre fusiliers marins qui se trouvaient alors, par hasard, à New Westminster. Cependant, il put apporter en renfort quinze hommes des Ingénieurs Royaux.

Dans une lettre au gouverneur Douglas datée du 21 juillet 1859, le colonel Moody indique les raisons de cet acte. Il dit :

- « Étant donné le faible nombre de fusiliers marins et comme il est fort probable (il n'est pas improbable) que des retranchements de campagne soient nécessaires, j'ai pris la décision d'ajouter aux forces ci-dessus un groupe des Ingénieurs Royaux, comprenant le lieutenant Lempriere ainsi que 14 sous-officiers et hommes. » Et dans ses instructions au lieutenant Lempriere, écrites à la même date, le colonel Moody dit :

« Votre groupe emportera avec lui, en plus de l'équipement habituel, toutes les provisions en quantité requise. ».

Je suis reconnaissant au lieutenant-colonel Wolfenden, L.S.O., V.D., pour les copies des lettres ci-dessus.

Le lieutenant Lempriere avec ses quatorze Ingénieurs Royaux s'embarqua sur le H.M.S. Plumper le 1er août en mission sur l'île de San Juan, où il fut incorporé aux forces du H. M. S. Tribune, commandées par le capitaine G. Phipps Hornby. Le colonel Moody lui-même, en tant que commandant en chef des forces terrestres de l'île de Vancouver et de la Colombie-Britannique, accompagna l'expédition. M. T.C. Elliott de Walla Walla, Washington, a attiré mon attention sur l'édition du « Pioneer and Democrat » [Pionniers et démocrates] du 12 août 1859, paraissant à Olympia, et dans lequel le paragraphe suivant est inclus :

« Le navire H.B.M. Tribune est ancré, le long du camps de Capitaine Pickett, avec ses câbles à ressort et ses canons à coup double. Ses ponts sont couverts de Tuniques Rouges, qui sont les 450 fusiliers marins et quelque 180 sapeurs et mineurs. »

Le nombre d'Ingénieurs Royaux est extrêmement exagéré. L'écart est grand entre 15 et 180.

Les instructions du gouverneur Douglas étaient que des forces britanniques égales en nombre aux troupes américaines soient débarquées ; cependant, les unités entières américaines sur l'île n'étaient que de 66 (augmentées ensuite à 461). Quoique le vice-amiral Baynes ait sous son commandement cinq navires équipés de 167 canons et de 2 140 hommes, il se contenta de démontrer sa force et de suggérer une occupation conjointe. Le vicomte Milton nous dit : « L'amiral fut félicité par le gouvernement britannique pour la ligne de conduite qu'il avait adoptée. » Sans aucun doute, son attitude digne et modérée évita un conflit armé. Comme le dit le capitaine Pickett lui-même dans une lettre à son quartier général datée du 3 août 1859 :

« Ils ont des forces tellement supérieures aux miennes qu'ils ne feraient qu'une bouchée de moi . » En septembre, le lieutenant-général Winfield Scott, commandant en chef de l'armée américaine fut dépêché immédiatement par le Président pour assurer de suite le commandement des forces américaines sur la côte Pacifique. L'assurance que le général Scott allait venir pour régler l'affaire, calma les esprits et quand il arriva en octobre 1859, tous les vaisseaux britanniques, excepté le H.M.S. Satellite, avaient quitté San Juan.

Après une absence d'environ trois mois, le lieutenant Lempriere et son groupe d'Ingénieurs Royaux revinrent à New Westminster, sans avoir vu plus de batailles armées réelles que leurs frères d'armes n'en avaient vu dans la guerre de Ned McGowan. Trois des militaires ayant fait partie de cette mission sont encore vivants : le sergent L.F. Bonson, le caporal William Hall et le sapeur J. Musslewhite.

Le Général Scott et le gouverneur Douglas, après quelques échanges de lettres, se mirent d'accord sur un plan d'occupation conjointe, suivant lequel chaque gouvernement était au total représenté par une compagnie d'environ soixante hommes. Les troupes britanniques n'arrivèrent pas sur San Juan avant le 20 mars 1860, date à laquelle le vice-amiral Baynes ordonna qu'un détachement de fusiliers marins royaux sous le commandement du capitaine Bazalgette soit débarqué à la pointe nord de l'île.

Tout le monde sait que cette occupation conjointe continua jusqu'en 1872, quand une déclaration de l'empereur d'Allemagne désigna les États-Unis comme propriétaire de l'île.


1859


À l'arrivée du Thames City à Esquimalt le 12 avril 1859, le corps principal des Ingénieurs fut immédiatement embarqué sur le vieux Eliza Anderson en direction de son futur cantonnement - le camp que j'ai mentionné, à Queensborough, comme New Westminster s'appelait alors.

Dans un rapport aux autorités britanniques le 25 avril 1859, le gouverneur Douglas dit : « Les Ingénieurs Royaux sont arrivés sains et saufs à Queensborough, où ils sont maintenant cantonnés. ». Ils espéraient trouver leurs cantonnements prêts à l'occupation. Au lieu de cela, en raison du changement de New Langley, ou Derby, ils constatèrent que seulement une partie de leur camp avait été défrichée et qu'une seule petite cabane en rondins avait été construite. Cependant, le vieux brigantin Recovery de la Compagnie de la Baie d'Hudson avait mis l'ancre devant cet endroit et on y avait logé autant d'hommes que possible tandis que le reste s'était abrité sous la toile à l'emplacement de leur future demeure.

Durant l'été de 1859, ils furent très occupés à défricher l'emplacement de leur camp, à construire la caserne, les logements des hommes mariés, les entrepôts, les bureaux et toutes les autres installations nécessaires. Ils furent également occupés à faire les études et levés topographiques de la ville de New Westminster. Ils en préparèrent également les plans nécessaires avec la netteté et la précision pour lesquelles leurs dessinateurs sont connus. Quelques-uns des plans du caporal Sinnett et du caporal Launder, établis à cette époque, sont conservés dans les archives de la Province. Ces plans font preuve d'un travail si exact et si parfaitement exécuté qu'il est difficile de croire qu'ils ont été faits à la main.

Parlant de l'emplacement du camp, le capitaine Barrett-Lennard, qui l'avait visité en 1850, dit dans son livre : « La caserne des Ingénieurs Royaux se trouve à environ un mille en amont du fleuve, sur un versant très incliné. Elle offre une vue des plus pittoresques de n'importe quel point d'approche, tant pour ses gracieuses toitures inclinées que l'aspect romantique de son emplacement. »

Une route carrossable pour atteindre un endroit au-dessus des canyons du Fraser inférieur constituait un des besoins les plus criants de la colonie. Afin de satisfaire ce besoin, les premiers travaux entrepris furent l'amélioration des communications entre Douglas et Lillooet. En mai et juin 1859, le lieutenant Palmer inspecta le parcours - une piste existait déjà - et plus tard le même été, un groupe d'au moins cent hommes des Ingénieurs Royaux fut employé à rendre plus accessibles les diverses voies de terre qui séparaient les séries de lacs sur ce trajet.

Avec le même but en tête, le lieutenant Lempriere et un petit groupe explorèrent le terrain à partir de Hope en remontant la Coquihalla, et de là, le long de la partie sud de la rivière Anderson jusqu'à Boston Bar et le long de la rive gauche du Fraser jusqu'à Lytton. À la réception de leur rapport, un autre groupe d'Ingénieurs commença les travaux de construction d'une piste le long de ce trajet. Cette voie fut complétée en août 1859.

Durant l'année 1859, les Ingénieurs firent les relevés topographiques, en plus de ceux de New Westminster, des villes de Yale, Hope et Douglas. Ils érigèrent à leur camp un observatoire et calculèrent sa position exacte à 49 degrés, 12 minutes, 47 secondes, de latitude nord, et à 122 degrés, 53 minutes et 19 secondes, de longitude ouest. Nous possédons encore le tachéomètre dont ils se sont servis dans cet observatoire. Il est conservé par le gouvernement provincial et a été exposé avec d'autres reliques lors de l'exposition de Simon Fraser.

Dans la même année, les Ingénieurs ont aussi construit une piste allant de New Westminster au Burrard Inlet, le long de la ligne sur laquelle, en 1861, ils construisirent la route qui existe aujourd'hui, connue sous le nom de « Route du nord ».

En septembre et en octobre 1859, le lieutenant Palmer explora le pays entre Hope et le fleuve Columbia. Il est facile d'admirer le travail systématique et soigné des Ingénieurs dans le rapport de son inspection qui comprend dix pages serrées imprimées, pleines d'informations topographiques, géologiques et militaires ainsi que des commentaires.

1860.


À la suite de la promulgation de la première Loi de préemption - « Pre-emption Act » - du 4 janvier 1860, le nombre de demandes de terres connut un essor et le service du Cadastre des Ingénieurs était continuellement occupé à faire les levés topographiques des terres demandées. Même si le pays était envahi de gens occupés principalement à la recherche des précieux métaux, il restait encore des gens prévoyants qui ne se désintéressaient pas des bonnes terres agricoles qui formaient néanmoins, toujours et partout, la base de conditions stables et d'un développement continu. La demande de terres nécessitait la création d'un bureau de dessin et d'un service du Cadastre. Ceci était également la responsabilité des Ingénieurs Royaux. Le commis du Cadastre était le défunt caporal Alfred R. Howse.

Le trajet entre Douglas et Lillooet était rendu très difficile par les déplorables moyens d'atteindre Douglas. Donc, en mars 1860, un détachement de quatre-vingts hommes du corps sous le commandement du capitaine Grant commença l'approfondissement du chenal à travers les hauts-fonds de la rivière Harrison. C'est cette section de la rivière qui empêche sa navigation, car c'est seulement durant les crues nivales du printemps qu'on y trouve assez d'eau pour permettre à un vapeur de rivière régulier d'y naviguer. Quand l'élévation de la rivière en juin l'obligea à abandonner ces travaux, le capitaine Grant changea d'endroit pour travailler et reprit ses travaux sur la route de Douglas à Lillooet, ou plutôt sur la section de 28 milles qui sépare Douglas du lac Little Lillooet. « Cette route », dit le capitaine Barrett-Lennard, « s'étendait aussi loin qu'elle était construite, sur une région rocheuse ; sur sa gauche coulait la Harrison, quelquefois large et peu profond, bouillonnant par-dessus les roches, d'autres fois, étroite et profonde et dévalant le long d'une gorge. » À la fin d'octobre, cette route carrossable était pratiquement terminée de la 28-Mile House [Maison des 28 milles] jusqu'au lac Little Lillooet. Dans son rapport au duc de Newcastle, le gouverneur Douglas en parle comme « d'un travail d'une ampleur et de la plus grande utilité publique, qui a été préparé et exécuté par le capitaine Grant et un détachement d'Ingénieurs Royaux sous ses ordres avec un niveau d'attention et de compétence professionnelle démontrant le mérite le plus élevé de cet officier actif et infatigable. »

Pendant l'été de 1860, le sergent Mc Coll avec un autre détachement des Ingénieurs repéra la piste de Hope vers la Similkameen aussi loin que le sommet de Punch-bowl, l'élevant jusqu'à 4000 pieds sans jamais avoir aucune pente de plus de 1 pied/12. Plus tard, cet été de 1860, l'honorable Edgar Dewdney construisit le long de ce parcours, la première piste allant de Hope jusqu'à la Similkameen.

La piste entre Yale et Spuzzum fut construite par Powers et McRoberts pendant l'été de 1860. La vieille voie utilisée par la Compagnie de la Baie d'Hudson et par les premiers guides partait du Fraser à Spuzzum et, traversant la ligne de partage des eaux, elle suivait Yale Creek jusqu'à la ville de Yale. Cependant, la nouvelle voie fut construite le long du Fraser à une élévation modérée au-dessus de la rivière et emprunte ensuite, à peu près la même ligne que celle adoptée pour la route carrossable. En parlant de ces travaux, le gouverneur Douglas, dans une lettre au Secrétaire d'état aux Colonies, dit : « la partie la plus pénible de cette entreprise, - l'excavation de la montagne près de […] [a été exécutée] par les Ingénieurs Royaux sous les ordres du sergent-major George Cann et elle a été accomplie d'une façon hautement honorable pour ces hommes et les officiers dirigeant les opérations. » Cette même année, les Ingénieurs Royaux firent les levés topographiques des emplacements de Lytton et de Lillooet.

Le capitaine Parsons et un groupe d'Ingénieurs Royaux furent occupés du milieu de juin jusqu'à la fin de l'été de 1860 à effectuer les travaux de reconnaissance de la région proche des rivières Sumas et Chilliwack. Ce travail fut effectué en relation avec le plan du gouverneur pour une route carrossable de la mer jusqu'à Yale. Ce travail avait également pour but l'évaluation de la possibilité d'utiliser les riches terres agricoles de cette localité. De fait, quand le gouverneur Douglas désirait des informations d'une nature quelconque, concernant la colonie, il n'avait qu'à s'adresser aux Ingénieurs Royaux et il pouvait trouver des hommes compétents pour entreprendre l'étude. Ainsi, lors d'une de ses tournées à travers le pays, à l'automne de 1860, alors qu'il n'était pas satisfait avec le trajet de la piste d'alors entre Pemberton et Lillooet, il envoya deux groupes sous les ordres des sapeurs Duffy et Breckenridge pour étudier les environs de la région avec le but de parvenir à une route plus pratique. Apparemment, aucune meilleure route ne pouvait être trouvée puisqu'il n'existe aucun document indiquant que la route ait été changée.


1861.


Nous arrivons maintenant aux opérations des Ingénieurs durant l'année 1861. On effectuait alors des travaux sur les routes de Douglas à Lillooet et de Hope à la Similkameen.

Sur la première, les Ingénieurs s'acharnaient toujours sur les vingt-huit milles séparant Douglas du lac Little Lillooet et qui avaient été achevés l'année précédente. Sur cette section, il y avait une colline - la colline Gibraltar - très inclinée et difficile d'accès. Un groupe des Ingénieurs sous les ordres du sergent Bridgeman furent occupés, cet été-là, à faire un chemin de traverse, afin de diminuer l'inclinaison et d'améliorer en général la route à cet endroit. Et le travail fut si bien fait que le sergent Bridgeman fut surnommé le « vainqueur de Gibraltar ». Le lieutenant Mayne, qui voyageait sur cette route peu après sa finition, en parle comme d'« une route carrossable qui ferait honneur à plusieurs régions d'Angleterre. »

Le commencement d'une route jusqu'à la Similkameen fit l'objet des travaux dans la région de Hope cette année-là. Le plus grand constructeur d'entre eux - le capitaine Grant - fut chargé de cette tâche. La route ne suivait pas le tracé exact de la piste construite l'année précédente, bien qu'elle y touchait de temps à autre. En octobre, le capitaine Grant avec son groupe de quatre-vingts sapeurs avait fini la route jusqu'aux plateaux de Skagit, à vingt-cinq milles de Hope. À partir de ce point jusqu'à la Similkameen, les Ingénieurs élargirent simplement la piste existante. Ces derniers travaux furent divisés en trois parties : la première sous les ordres du sergent L.F. Bonson ; la deuxième sous les ordres du caporal William Hall ; la troisième sous les ordres du défunt sergent John McMurphey. Le but de ces travaux était d'améliorer l'accès aux gisements de Rock Creek et de ses environs. Mais quand la gloire de ces derniers pâlit devant les incroyables richesses de Williams Creek, Antler Creek et d'autres rivières du Cariboo, la route fut abandonnée.

La réussite des travaux effectués sur la voie le long du Fraser à partir de Yale amena le gouverneur à considérer la possibilité d'une route carrossable le long de cette voie jusqu'à Lytton. Ceci demandait une étude attentive et une inspection de ces prodigieux et abrupts parapets rocheux qui emprisonnaient le Fraser dans un carcan pendant des milles le long du Little Canyon et du Black Canyon. Mais à qui confier ce travail d'inspection ? À nul autre que nos vieux amis : les Ingénieurs Royaux. Un groupe fut envoyé pour étudier la route de Yale à Lytton et de là jusqu'à Cook's Ferry [traversier de Cook] ou à Spence's Bridge [pont de Spence], comme nous l'appelons maintenant. On peut trouver dans les archives de la province les croquis de reconnaissance de cette étude avec les spécifications stipulées par les Ingénieurs pour la construction de la route. On constata, dès que leurs rapports préliminaires furent rédigés, que la route carrossable, si elle était construite, devait traverser le Fraser. Quel point devait-on choisir ? Pour déterminer ceci, on ordonna à un autre groupe d'Ingénieurs sous les ordres du sergent McColl, d'aller étudier et choisir l'endroit le mieux adapté pour un pont suspendu. L'endroit choisi est celui sur lequel, en 1863, le défunt Sir Jos. W. Trutch construisit le pont suspendu Alexandra.

La vie des Ingénieurs Royaux n'était pas « que du travail ». De novembre à mars, le régiment était rassemblé dans sa caserne, au camp. Cette partie de l'année vit une nouvelle phase du régiment de sapeurs à multiples talents. Au camp, on construisit un théâtre. Et pendant chaque hiver, les membres du régiment présentaient de temps en temps des pièces légèrement dramatiques, des comédies, des farces etc. Ils ne restaient jamais démunis même dans le cas des rôles féminins de ces divertissements théâtraux. Et un ou deux des jeunes imberbes acquirent une certaine réputation pour leur interprétation de ces rôles. Le corps possédait également un club social, le club des Ingénieurs Royaux et durant chaque hiver, il était le lieu de nombreuses rencontres heureuses, de banquets et de bals.


1862.


L'étude effectuée en 1861 convainquit le gouverneur Douglas de consacrer toute l'énergie et la force à sa disposition à la construction d'une route à partir de Yale qui, à Clinton, se joindrait à celle déjà existante de Lillooet. La route n'avait jamais plu aux voyageurs en raison des lenteurs à obtenir la correspondance avec les vapeurs sur les lacs Lillooet, Anderson et Seton.

En mai 1862, une force de cinquante trois sapeurs sous le commandement du capitaine Grant fut envoyée à Yale pour commencer à ce point la grande route carrossable, une tâche qui est la huitième merveille du monde, ce que nous pouvons prétendre en tant que citoyens de la Colombie-Britannique. En novembre, une route magnifique, découpée (ou du moins construite) dans de la roche solide, avait été achevée jusqu'à six milles avant Yale. Bien sûr, lors de la construction du chemin de fer Canadien Pacifique, les fondations de cette route furent, dans plusieurs cas, détruites mais il en reste suffisamment de nos jours, pour que nous soyons en mesure de réaliser l'excellent travail effectué par les Ingénieurs Royaux et que nous nous rallions aux louanges de l'honorable John Robson du « Columbian » daté du 18 juillet 1863, « certains de leurs accomplissements témoigneront aussi longtemps que les roches éternelles, de leur talent d'ingénieurs et de leur patient labeur. »

Puis-je ajouter ici, entre parenthèses, que la section de la route carrossable du Cariboo, partant du point situé à six milles [avant Yale] et allant jusqu'à la Chapman's Bar (pont suspendu) fut construite par Thomas Spence en 1862. De Chapman's Bar jusqu'à Boston Bar, puis jusqu'à Lytton, le travail fut exécuté par Spence et Langvoidt en 1862. De Lytton jusqu'au pont de Spence, le contrat avait été obtenu par Moberly et Oppenheimer, en 1862-63.

En juillet 1862, le lieutenant Palmer explora une route de Bentinck Arm jusqu'au fort Alexandria et de là, jusqu'à la Williams Creek. On peut trouver son rapport détaillé dans les dossiers du « British Columbian » de mars et avril 1863. Ce rapport, comme tous ceux de ces hommes expérimentés, semble être le point final sur ce sujet. Son étude exhaustive portant sur une période de trois mois met clairement en évidence que la route alors en cours de construction vers le Cariboo à travers les canyons du Fraser était la route la mieux adaptée. Cette ligne présentait sur une longueur de quinze milles une déclivité moyenne et continue de 182 pieds par mille, dont une grande partie se trouvait sur des rochers instables et des versants montagneux abrupts. Ce projet fut minutieusement étudié en 1873 par Marcus Smith pour déterminer si c'était une voie possible pour le chemin de fer Canadien Pacifique mais quand il fut décidé d'amener le chemin de fer le long de la vallée du Fraser, aucune inspection supplémentaire ne fut pratiquée.


1863.


Nous arrivons maintenant à la dernière année des travaux des Ingénieurs Royaux en tant que corps en Colombie-Britannique - l'année 1863.

En cette année-là, les Ingénieurs commencèrent la publication de la British Columbia Gazette - le premier numéro ayant paru le 3 janvier 1863. La Gazette était alors, comme elle l'est maintenant, sous la direction du caporal Richard Wolfenden (maintenant lieutenant-colonel Wolfenden, I.S.O., V.D.).

La piste existante, ou plutôt, la route qui allait jusqu'à Williams Creek en passant par la fourche de Quesnel, par la montagne Snowshoe et par l'amont de Antler Creek, était à une élévation trop haute et par conséquent très difficile pour voyager d'un endroit à l'autre. Le gouverneur désirait donc une autre route par l'embouchure de la Quesnel et de la rivière Cottonwood. La route fut choisie et la piste y fut construite en 1863 sous la direction du capitaine Grant. En septembre, il avait construit la piste sur les soixante-trois milles qui s'étendent entre Quesnelmouth et Barkerville et elle était si praticable qu'il y parcourut à cheval, lui-même, la distance entière, en un seul jour de septembre. Nous avons à ce sujet le témoignage du lieutenant Palmer, qui, dans un discours à la Royal Geographical Society [Société Royale de Géographie] en mars 1864, la déclara « la seule bonne piste du Cariboo ».

Pendant l'année 1863, le défunt Gustavus Blinn Wright construisit la route carrossable de Clinton à Alexandria, et la tâche de repérer la ligne incomba au capitaine Grant - c'est-à-dire, en ce qui concerne la section dans le voisinage du lac Williams et de Deep Creek.

Les Ingénieurs, sous la responsabilité du lieutenant Palmer, construisirent pendant 1863, la première section de neuf milles de la route carrossable du Cariboo le long du cours de la rivière Thompson, à l'est du traversier de Cook ou du pont de Spence. Là, la route rejoint la section alors en cours de construction par William Hood.

Le pont suspendu Alexandra sur le Fraser fut construit par le défunt Sir Joseph W. Trutch en 1863. C'était, bien entendu, un pont à péage, mais avant que la permission ne lui soit donnée de percevoir les droits de péage, les travaux devaient être acceptés par le gouvernement. La tâche d'étudier et d'approuver le pont incomba au lieutenant Palmer qui, en septembre 1863, l'approuva comme satisfaisant. Que le travail ait été accompli de façon correcte et bonne est démontré par le fait que, ayant été utilisé constamment pendant vingt ans, jusqu'à l'avènement du Canadien Pacifique, ce pont existe encore quarante-cinq ans après son inauguration. Ceux qui l'ont emprunté récemment n'ont pas pu s'empêcher de remarquer que le platelage à son extrémité s'est effondré et que le pont n'est plus praticable. La structure entière montre des signes que nos amis médecins appelleraient parésie générale et dégradation sénile. Il me semble qu'on devrait prendre, quand il est encore temps, les mesures nécessaires pour préserver ce pont historique - l'un des rares travaux publics encore existant et qui relie notre présent à notre passé.

Cette année-là vit aussi la pose, par les Ingénieurs, des dernières touches à la route allant de Douglas à Lillooet. Mais il devint évident que la route de Yale qui venait juste d'être terminée, deviendrait la plus populaire, étant plus directe, ininterrompue par des portages et toujours accessible par voie d'eau. En conséquence, très peu d'attention fut ensuite apportée à la route Douglas.

La même année aussi, un groupe des Ingénieurs Royaux sous les ordres du soldat de première classe George Turner fit le levé des lotissements originaux 184, 185,186 et 187 sur lesquels une partie de la ville de Vancouver s'élève maintenant et fit le cheminement graphique complet de la côte à partir de l'emplacement de Hastings par Brockton Point jusqu'à English Bay et False Creek.

Ici, il n'est pas sans intérêt de se rappeler que c'est au colonel Moody que l'on doit le mérite d'avoir retenu comme réserve militaire l'emplacement connu maintenant sous le nom du parc Stanley. C'est donc à cet officier visionnaire que les habitants de Vancouver doivent aujourd'hui l'existence d'un des plus grands et des plus beaux parcs naturels de n'importe quelle ville du Canada. Si les Ingénieurs pouvaient susciter parmi les gens de Vancouver un intérêt profond et attachant pour le régiment qui garderait sa memoire vivante.[sic]

La même année également, les Ingénieurs firent le levé des lotissements de banlieue de New Westminster et pendant cette opération, le conseil municipal saisit l'occasion de rendre hommage au colonel Moody. Le 20 avril 1863, la résolution suivante fut votée «  proposée par M A.H. Manson et appuyée par M. John Cooper. » Elle décidait : « qu'en conséquence du choix judicieux de la ville de New Westminster comme capitale de la Colombie-Britannique, le conseil considère qu'il est désirable qu'un espace de non moins de vingt acres soit réservé dans les banlieues faisant actuellement l'objet d'un levé topographique. Ce terrain s'appellera « Moody Square » en mémoire du fondateur de la ville ; et que les instructions soient données au greffier municipal d'envoyer une copie de la présente résolution au « Chief Commissioner of Lands and Works » [Commissaire en chef de la Division des Terres et des Travaux publics] avec la requête qu'il en suive immédiatement les directives. »

Si l'on évalue les travaux des Ingénieurs jusqu'à la fin de 1863, nous observons qu'ils ont effectué toutes les explorations importantes dans la colonie, qu'ils ont fait les levés topographiques de la péninsule entière située entre Burrard Inlet et le fleuve Fraser ainsi que ceux de toutes les villes et de la campagne. Les routes suivantes, y compris des sections de la route du Cariboo, ont été construites par eux : la route de Hope à Similkameen ; la route de Douglas à Lillooet et la route Nord d'accès au Burrard Inlet. Pratiquement toutes les cartes de la colonie et de ses différentes parties ont été établies à partir de leurs levés topographiques, préparées dans leur bureau de dessin, lithographiées et publiées par eux dans leur camp. En 1862, ils établirent la première société d'épargne immobilière de la colonie. C'est à eux que nous devons la mise en oeuvre des premières églises (Holy Trinity Church [l'église de la Divine Trinité] et St. Mary's Church [l'église Sainte-Marie] à New Westminster) et la première école de la colonie. Ils ont conçu le premier écusson et le premier timbre-poste de la colonie. Ils ont établi le premier observatoire et c'est à eux que nous devons les premières observations systématiques météorologiques de la colonie, effectuées pendant une période de trois ans. Ils ont créé la Lands and Works Department [Division des Terres et des Travaux publics] et le Government Printing Office [Imprimerie du gouvernement] et ils ont imprimé la première British Columbia Gazette. Ils ont contribué à assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre. Un officier des Ingénieurs Royaux fut le premier Chief Commissioner of Lands and Works [Commissaire en chef de la Division des Terres et des Travaux publics] ainsi que le premier lieutenant-gouverneur.

Cette énumération ne comprend pas les travaux réalisés par un autre détachement des Ingénieurs pour localiser le 49e parallèle en collaboration avec les forces américaines. […] ces travaux comprennent ceux du capitaine Gosset, des Ingénieurs Royaux, trésorier colonial, auquel on doit l'établissement du laboratoire d'analyses de l'or et de l'Hôtel colonial de la Monnaie.

Mais par dessus toutes ces choses matérielles, les Ingénieurs Royaux et leurs officiers étaient l'inspiration qui nourrissait de nombreux progrès dans le pays. Leur influence dans ce domaine ne peut être surestimée. Les officiers et les hommes du corps étaient toujours les premiers à aider les sociétés bibliques et les missions. Ils étaient également des plus actifs dans tous les mouvements religieux et moraux, dans chaque entreprise ayant pour but l'amélioration des conditions sociales. C'est à leur énergie que nous devons pour une grande part l'existence du premier hôpital de Colombie-Britannique : le Royal Columbian Hospital de New Westminster.

Dans un éditorial du « British Columbian » du 21 octobre 1863, l'honorable John Robson dit : « leur nom, que ce soit en tant qu'ingénieurs, mécaniciens ou ouvriers, reste associé avec tous les grands et importants travaux publics de la colonie. Ils ont laissé leur marque. Toutes les futures générations pourront la voir dans chaque pont jeté au dessus d'un torrent tourbillonant ou dans la construction d'une route à travers les abruptes montagnes de roches éternelles. »


Comme Joaquin Miller le dit :
Les croisades ne connurent pas de chevaliers plus courageux
En ce temps-là, devant les remparts, des hommes valeureux
Les plus nobles, autrefois, combattaient.
Mais le plus humble d'aujourd'hui, ils n'égalaient
Et jamais ne souffrirent d'aussi cruelles blessures
Que celles gagnées dans ces batailles plus dures
Ces guerres sans effusion de sang qui n'apportent point le malheur
Cette inestimable victoire qui apporte la paix et le bonheur
Quand la fierté s'est soumise, quand l'homme s'est soumis
Quand la patience a ses victoires amies.
Quand enfin les barrières sont tombées
Vous n'avez rien détruit mais vous avez construit une cité.

Déjà en juin 1863, des rumeurs circulaient que le corps serait dissous à l'automne. Fin septembre vit le retour au camp des différents groupes qui avaient travaillé à la construction des routes. Les préparations débutèrent pour le retour du régiment, ou de ceux de ses membres qui désiraient repartir. Deux cœurs, au moins, ressentirent ces angoisses des « séparations soudaines » qui, comme le dit Lord Byron : « enlève toute vie aux jeunes cœurs ». Résultat : le 7 octobre, le lieutenant Palmer fut marié à Holy Trinity Church [l'Église de la Divine Trinité] à New Westminster, à la fille de l'archidiacre Wright, le chapelain du régiment. Pour ne pas être en reste, le capitaine Luard épousa le 8 octobre, à Christ Church [l'Église du Christ] à Victoria, Mlle Leggett de cette ville.

Le 5 novembre, à l'hôtel Old Colonial, dont les propriétaires étaient les frères Grelley, un banquet d'adieu fut offert aux Ingénieurs Royaux par les citoyens de New Westminster. Le défunt Robert Dickinson, le maire ou le président du conseil comme on l'appelait alors, présidait. À sa droite, se tenaient le colonel Moody, le capitaine Hardinge, de la Marine Royale, le lieutenant Palmer et le Dr Seddall ; à sa gauche, il y avait l'archidiacre Wright, représentant l'évêque de Colombie, le capitaine Grant et le capitaine Parsons. La vice-présidence était occupée par le défunt et Honorable M. Homer ; à sa droite, le défunt et honorable M. Holbrook ; à sa gauche, le capitaine Cooper.

Au cours de sa réponse au toast du « colonel Moody et des officiers des Ingénieurs Royaux », le vaillant colonel dit « Messieurs, ce fut une expérience, une nouveauté, entremêlant devoirs militaires et civils. Dans quelle mesure ont été accomplis les buts du gouvernement ? Ce n'est pas à moi de le dire. J'ai toujours gardé, ce qui était naturel, et comme il était de mon devoir, la partie militaire présente à l'esprit et c'est avec des sentiments d'extrême satisfaction que je peux penser à cette partie de notre service en Colombie-Britannique. Vous avez pu constater tout au long notre discipline et comment, en même temps, les soldats que nous sommes, se sont conduits dans leurs rapports sociaux avec vous. Une certaine anxiété a pu être ressentie sur les éventuelles conséquences de cette partie de l'expérience. Je n'avais aucune peur. J'avais, dès le début, entière confiance dans les hommes que j'ai eu l'honneur de commander. Je savais ce qu'ils étaient ; je savais très bien comment ils réagiraient et dans ceci je ne me suis pas trompé. »

« Le colonel Moody reçut également sa part de discours élogieux de la part de la St. Andrew's Society (Société St-André) et du conseil municipal de New Westminster la veille de son départ, le 10 novembre. »

Le 11 novembre 1863, le vapeur Enterprise quitta le port à midi, emmenant à jamais loin de nos rivages le colonel Moody, le capitaine Grant, le capitaine Parsons et leurs familles respectives ainsi que le capitaine Luard et sa nouvelle épouse. Une heure plus tard, le H.M.S. Cameleon, ayant à son bord le lieutenant Palmer et sa femme, le Dr Seddale [sic]et une quinzaine de sapeurs, qui étaient les seuls à retourner en Angleterre, arriva en exécutant un cercle gracieux devant la ville. « Comme il passait devant Pioneer Wharf (le quai des Pionniers), l'ordre fut donné de « gréer et de crier trois hourras ». Alors et en même temps que surgirent, comme par magique, une centaine d'hommes de la Cavalerie de la Maison du Souverain, les trois ovations retentirent aussi vigoureusement que les marins de Sa Majesté sont capables de le faire. En réponse à celles-ci, la foule assemblée sur la plage les acclama avec ferveur, pendant que la fanfare des Ingénieurs Royaux jouaient les beaux airs suivants qui étaient de plus touchants, compte tenu des circonstances, comme : 'Home Again', 'Home Sweet Home', 'Auld Lang Syne' et 'God Save the Queen'. De tous les côtés, de chaque fenêtre et balcon on pouvait voir des mouchoirs et des chapeaux agités et beaucoup étaient accompagnés par plus d'une larme secrète et furtive. Mais, Oh ! Quelle réaction ! Quand tout fut fini et que l'agitation et l'excitation du départ furent retombées, un sentiment de tristesse et de mélancolie sembla s'être emparé de la communauté entière, et les gens prirent le chemin de retour avec des airs sérieux et des têtes tombantes, comme si chacun d'eux avait perdu, ce jour-là, un ami cher et proche. »

On peut très bien se demander si la politique suivie par le gouverneur Douglas a permis à la colonie de récolter, pendant ses premiers pas, la totalité des fruits attendus de la présence d'un tel corps d'hommes expérimentés. Et en conséquence, on peut également se demander si le succès total espéré par Sir E.B. Lytton a été atteint. Mais nul ne peut douter, en examinant leurs accomplissements, que ce qui leur fut demandé, ils le firent soigneusement et consciencieusement. Pour eux et pour leur travail, les mots de Kipling résonnent particulièrement :

Observe la loi, obéis promptement-
Arrache le mal des terres, voyage sur la route et construis des ponts sur les estuaires,
Assure-toi que chacun reçoive sa part,
Qu'il récolte ce qu'il a semé ;
Que la paix de notre peuple fasse savoir au monde que nous servons le Seigneur !
Les membres restants du corps, environ 130 en tout, restèrent dans la colonie et reprirent leurs diverses occupations en tant que civils. En parcourant les petites annonces du « Columbian » de novembre et décembre 1863, on peut les voir comme jardiniers, maçons, charpentiers, tailleurs, gérants d'hôtel, tanneurs, épiciers, forgerons, architectes et géomètres - à vrai dire, de toutes conditions sociales et occupations. Ceci donna à la colonie l'avantage de posséder des hommes bien formés dans leur métier et profession et sur lesquels elle pouvait compter pour construire la vie industrielle de la communauté.

De ce groupe, il n'en reste aujourd'hui en Colombie-Britannique que quatorze, c'est-à-dire : à Victoria, le caporal Richard Wolfenden, le clairon Robert Butler, Thos. Argyle, John Cox et William Haynes ; dans la région de New Westminster, le sergent L.F. Bonson, le caporal William Hall, Matthew Hall, Philip Jackman et John Musselwhite ; dans la ville de Westminster, le caporal George Turner, Samuel Archer et Henri Bruce ; et à Vancouver, All [sic] Cummins. Et tous sont des hommes qui ont dépassé l'espérance de vie normale car rappelez-vous, cela fait cinquante ans qu'ils ont débarqué sur nos rives.

En 1894, il y avait trente-quatre survivants du régiment des Ingénieurs habitant cette province ; en 1900, quand le colonel Wolfenden lut son article sur le sujet (et à qui je reconnais très volontiers ma dette dans la préparation de ce discours), le nombre était tombé à vingt-cinq. Ce soir, il n'y en a que quatorze. Ainsi, nous pouvons constater que dans les quinze dernières années, vingt hommes du détachement ont répondu au dernier appel du clairon. Et ceci évoque la triste idée que ceci est un régiment qui ne peut jamais être recruté, mais qui doit constamment diminuer, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un souvenir pour nous.

Alors que nous pensons à cette force qui s'éteint doucement, les mots d'un poète américain, se référant à la photo d'un groupe de pionniers de Californie, vient à l'esprit :
Pendant des années, j'ai regardé ces ombres comme je le sais d'autres l'ont fait,
Alors que la mort touchait leurs lèvres, je les ai enveloppés, un à un, d'un linceul,
Jusqu'à ce que, il me semblait, l'ange aux ailes noires, s'en mêla ici et là,
Le deuil ceint sur les fronts partout envahit les vivants.
Sombres, de plus en plus sombres, et encore plus sombres ces ombres grandiront chaque année,
Alors que les saisons nous apporteront les bourgeons et la neige tombante,
Et des étrangers écriront la mention, « le dernier du groupe est mort. »

En pensant aux quelques membres survivants de ce régiment qui connut la gloire et dont la devise « Ubique quo fas et Gloria ducunt » se manifestait au plus fort de la bataille à Inkerman et à Balaklava, je crois que je ne peux pas mieux terminer qu'en citant les mots du poète auquel je viens juste de me référer :

Buvons ce toast en silence, « Aux bâtisseurs de l'Ouest ! »
Que vivent longtemps les cœurs qui battent encore, et paix aux cœurs qui se reposent !


F. W. HOWAY.

New Westminster, le 13 février 1909.





Extrait du « Daily Columbian » du mercredi 13 octobre 1909

VIELLES CÉLÉBRITÉS

Les anciens et les pionniers de cette ville et de sa région sont les points principaux d'intérêt, aujourd'hui, à l'exposition et tous les honneurs possibles sont accordés aux douze survivants de ce fameux corps des Ingénieurs Royaux qui a fondé la ville de New Westminster et a aidé à l'établissement d'un régime d'ordre public dans la province de Colombie-Britannique.

Aujourd'hui, à une heure, le maire Monsieur W.H. Keary, directeur de l'exposition, a invité ces pionniers pour un déjeuner chez lui. Les membres du régiment présents à ce repas étaient Thomas Argyle, de Rocky Point sur l'île de Vancouver ; Samuel Archer de New Westminster ; Lewis F. Bonson de Port Hammond ; Robert Butler de Victoria ; Allan Cummins de Vancouver ; William Hall de Sumas ; William Haynes de Victoria ; Philip Jackman d'Aldergrove ; George Turner de New Westminster ainsi que le lieutenant-colonel Richard Wolfenden de Victoria. Matthew Hall de Sumas et John Musselwhite de Chilliwack étaient malheureusement empêchés.

L'Honorable Richard McBride, Premier ministre de la Colombie-Britannique et le juge Monsieur Howay étaient les seuls invités en présence des Ingénieurs Royaux. Après le déjeuner, leur hôte, le maire M. Keary a proposé un toast à Sa Majesté le Roi. Le Premier ministre, M. McBride a proposé un toast à « nos invités, les survivants des Ingénieurs Royaux ». Le juge Monsieur Howay lut ensuite un article intéressant, rédigé par l'un des pionniers, le lieutenant-colonel Wolfenden, qui décrivait d'une manière captivante le voyage d'il y a plus de cinquante ans, entre l'Angleterre et la Colombie-Britannique, en contournant le cap Horn.

À la fin de l'allocution, des médailles spéciales furent offertes aux ingénieurs royaux présents en souvenir de l'événement. On prit une photo du groupe qui fut ensuite conduit sur les lieux de l'exposition. Ce soir, ils seront les invités d'honneur au concert écossais qui doit avoir lieu à l'Opéra.

SOUVENIRS DES PIONNIERS


Dans son discours, le colonel Wolfenden, se rappelait les aventures du voyage sur le vieux bateau Thames City qui amena en Colombie-Britannique d'Angleterre, le corps principal des Ingénieurs Royaux sélectionnés pour le service sur le continent, ou ce qui était alors appelé la colonie de la Couronne de Nouvelle-Calédonie. L'orateur, pour rendre sa narration plus réelle, lui donna la forme d'une soi-disante conversation entendue entre deux, alors plutôt vieux, messieurs, qui étaient les fils des « sapeurs » et qui accompagnaient leurs parents vers ce nouveau pays. À l'époque, certains pensaient que ce pays n'était qu'une vaste étendue sauvage et comme le remarque le colonel Wolfenden, dont on n'aurait jamais entendu parler ne fut-ce que pour la découverte, par hasard, d'or dans le fleuve Fraser en 1858 et sans laquelle le détachement des Ingénieurs Royaux n'aurait pas été envoyé dans ce pays. Comme le fait remarquer le colonel, ce fut à la demande du gouverneur Douglas que Sir Edward Bulwer Lytton, alors Secrétaire d'état aux colonies, décida d'envoyer un détachement des Ingénieurs Royaux pour aider le gouverneur à assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre, pour construire des routes et des pistes, pour édifier des ponts, pour faire des levés topographiques, pour mener des explorations et pour aider, en général, à la colonisation du pays.

« Vous savez, tous, » dit l'orateur, « que cette vaste région sauvage, alors inconnue est maintenant la plus riche, la plus resplendissante et la plus belle des provinces de toute le Dominion. Ce n'est pas à moi de dire quelle part les Ingénieurs Royaux ont eu dans cet essor merveilleux qui s'est produit depuis leur arrivée dans la colonie de Colombie Britannique, qui venait juste d'être née. Par contre, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire que sans leur présence dans le pays, cette magnifique province aurait pu être perdue pour la Couronne britannique. »


DIALOGUE

Les interlocuteurs, comme je l'ai dit plus haut, étaient les fils de sapeurs qui avaient entendu qu'on avait l'intention d'organiser une fête pour célébrer le jubilé de l'arrivée des Ingénieurs Royaux dans le pays et qui se sont rencontrés par hasard hier soir à l'hôtel Guichon. Après avoir bu en compagnie un ou deux whiskies et sodas et avoir fumé plusieurs cigares, ils commencent tout naturellement à évoquer les souvenirs du long voyage de [six] mois qu'il leur avait fallu pour arriver dans ce beau pays.

« Dis-moi ! Hughie, » dit Johnny, « quand nous sommes venus avec nos pères et mères sur le Thames City ? Nous n'étions que des petits gamins en ce temps-là. »

« Oui, je m'en rappelle, et n'était-ce pas un vieux baquet ordinaire ? »

« Eh bien, peut-être que c'était un vieux baquet, Hughie, mais il nous a amenés ici sains et saufs et ne s'est-il pas conduit comme un tout à fait bon bateau quand nous avons contourné le cap Horn ? »

« Oh, oui, c'était un bon vieux bateau sûr, Johnny. Mais te rappelles-tu la nuit quand les écoutilles étaient fermées et que nous croyions que nous allions tous sombrer au fond de la mer ? »

« Oui, Hughie, et qu'est-ce que les femmes et les enfants hurlaient et les hommes n'étaient-ils pas tous blottis ensemble dans leur hamac, quelques-uns priant peut-être « Dieu, sauvez nous ! » Ils étaient tous aussi silencieux que des morts. »

« Oui, Johnny, et nous, les jeunes, n'avions-nous pas tous peur de nous endormir cette nuit-là et [nos] pères et mères, nos frères et sœurs et tous les hommes, n'étaient-ils pas soulagés quand le jour se fût levé, le vent un peu calmé et que les écoutilles aient été dégagées, et les hommes n'ont-ils pas chanté et sifflé de vraie joie ? »

« Hughie, te souviens-tu du capitaine Luard, le commandant, qui avait toujours son monocle sur l'œil droit - « Old Scrooge » [Vieux mesquin] comme l'appelaient ses hommes - comment il faisait, chaque matin, défiler les hommes les pieds nus pour que le petit et rondouillard Dr Seddal puisse les inspecter ? Pour je ne sais quelle raison, à moins que ce ne soit pour voir s'ils avaient la gangrène du pied. »

« Oh, oui, je me souviens de ça, Johnny, et bien que les hommes aient surnommé le capitaine « Old Scrooge » [Vieux mesquin], je pense qu'ils l'aimaient tous, parce que c'est vrai qu'il leur lisait souvent les œuvres de Dickens ou d'autres auteurs et qu'il organisait pour eux toutes sortes de jeux pour les amuser pendant le long voyage. Et n'était-il pas un homme au bon cœur et plein de considération ? »

« Oh, oui, Johnny et ils aimaient quand il leur lisait, chaque samedi soir « La Gazette des soldats émigrants » qui était publiée par un gars qui s'appelait Charlie Sinnett ? N'était-il pas un amusant petit bonhomme, avec ses cheveux blonds cendrés et sa blouse toujours sale ? »

« Oui, Hughie, mais malgré tout cela, c'était quelqu'un d'intelligent et est-ce que ce n'était pas tellement amusant d'écouter ses bouts de poésie sur « Matilda », le type qui était l'assistant du docteur et qui promenait autour du bateau son petit chat noir avec un ruban bleu autour du cou ? »

« Oui, mais bonté divine, Johnny, est-ce que « Matilda » ne lui rendait pas la pareille et est-ce que nous n'étions pas tous chagrinés quand les deux bonhommes ne pouvaient pas accepter leurs taquineries réciproques sans se disputer, et qu'alors le capitaine devait intervenir et nous privait ainsi d'un bon divertissement ? »

« Au fait, Hughie, pourquoi appelaient-ils ce type « Matilda » ? »

« Oh, c'est parce qu'il ressemblait plus à une femme qu'à un homme, avec ses manières tatillonnes. »

« Oui, Johnny, et est-ce qu'il n'y avait pas un jeune homme, - le lieutenant Palmer, je crois qu'il s'appelait - il était vraiment chouette. Ils disaient qu'il était le rédacteur adjoint de la « Gazette », et je crois que cela devait être vrai car il y avait beaucoup d'articles scientifiques intéressants dans le journal et je crois qu'ils devaient être écrits par lui, car c'était un homme intelligent. J'ai entendu dire qu'il était formidable avec les chiffres, qu'il pouvait additionner les livres, les shillings et les pennies à la fois. Il n'avait qu'à parcourir avec son doigt les trois colonnes de chiffres et il pouvait vous faire le total en un clin d'œil. »

« Il y en avait qui croyaient que le Docteur Seddall - les hommes l'appelaient « Bouncer » [Cabri] - collaborait fréquemment au journal ; peut-être que c'était lui l'auteur des ces articles traitant de l'histoire naturelle rencontrée au cours du voyage. »

« Oui, Hughie, peut-être que c'était lui mais si ce n'était pas lui, c'était soit le capitaine Luard ou le lieutenant Palmer ou bien le curé. De toutes façons, quel que soit celui qui les écrivait, tu ne penses pas qu'ils étaient vraiment bien écrits ? »

« Oui, vraiment, Johnny. Est-ce que tu te rappelles comment on s'amusait bien à bord quand les hommes avaient des représentations théâtrales privées ; et est-ce que tu te rappelles ce type - Howse, je crois - qui s'était nommé directeur du Théâtre Royal ? Et est-ce qu'il ne se croyait pas quelqu'un d'intelligent ? »

« Oui, Hughie, je me rappelle comment il avait arrangé sa compagnie et comment il nous avait fait croire qu'il était vraiment le directeur de l'authentique « City Theatrical Troupe » [Troupe théâtrale de la ville]. Mais c'était un type intelligent. Ses camarades acteurs et lui-même ne nous ont-ils pas fait rire et ne nous ont-ils pas divertis ? »

« Oh, dis-moi Johnny, est-ce que tu te rappelles le nom des gars qui l'aidaient et qui pensaient être de bons acteurs ? Je pense que leurs noms étaient Sinnett, Turnbull, Benney, Franklin, Derham, Eaton, Alliott, Hazel (Matilda), Launders, Mead et Dick Wolfenden. Dick jouait quelquefois le rôle d'une femme. »

« Oh, oui, Hughie, imagine, le vieux colonel Wolfenden aux cheveux blancs, comme nous le connaissons maintenant, jouer le rôle de 'Lydia' dans « Done on both sides » [Cuit des deux côtés). Mais ils disent qu'alors c'était un jeune homme gentil, mince et modeste et qu'il avait toujours été un « coureur de jupons ». Oh, mais qu'est-ce qu'ils étaient amusants et qu'est-ce qu'ils nous faisaient rire, nous les gamins et nos mères ! »

« Et, Johnny, n'avions-nous pas plein de concerts à bord et des bals et toutes sortes de divertissements, et est-ce que les femmes ne se paraient pas de leur mieux pour ces occasions, et nous, les enfants, qu'est-ce qu'on s'amusait aussi ? »

« Oui, Hughie. Et qu'est-ce que Franklin était amusant quand il chantait « My Pretty Maid », quand un de ses côtés était la jeune fille et l'autre, l'homme. Et Woodcock, Derham, Sinnett, Argyle (de Brum) et les autres ne faisaient-ils pas crouler la salle avec leurs chansons comiques. Et le « professeur » Haynes et son orchestre magnifique, n'ajoutait-il pas beaucoup à notre plaisir ? »

« N'est-ce pas Johnny, je lisais l'autre jour une copie imprimée de la « Gazette des soldats émigrants » et je vois qu'ils avaient des rues et des places et des allées et toutes ces autres choses qui existent dans une ville. »

« Comment ça ? » dit Hughie.

« Oh, ne sais-tu pas que le bateau s'appelait le « Thames City » ? C'est pourquoi ce sot de rédacteur en chef essayait de nous faire croire que nous vivions dans une vraie ville. Te rappelles-tu, Hughie, le crime affreux qui, disait-il, avait eu lieu un jour, quand un vieux monsieur appelé « Jimmy » avait été trouvé mort et son corps horriblement mutilé ? »

« Oui, cet idiot de rédacteur en chef voulait nous faire croire que c'était un vrai crime alors que ce n'était que Cooper (notre boucher) qui avait égorgé un vieux mouton, pour lui sauver la vie. N'était-ce pas idiot de la part du rédacteur en chef ? Mais cela a fait rire nos pères et nos mères, et tous les hommes, et je crois que nous les enfants, nous avons ri également. »

« Hughie, tu te rappelles le vieux bateau arrivant au port des Malouines. N'était-ce pas merveilleux d'aborder la terre ferme encore une fois après quelque trois mois en mer ? Et les enfants, qu'est-ce qu'ils étaient heureux d'aller faire les courses avec leur père et mère, et d'acheter des sucettes, etc. ? Même si, sentant toujours le tangage du bateau, on pouvait à peine nous tenir sur nos pieds. »

« Oui, Johnny, et je crois que les hommes ont dû avoir aussi du bon temps à terre, car je pense quelquefois que leur démarche incertaine, quand ils sont revenus à bord, n'avait pas grand-chose à voir avec le mauvais comportement du navire. »

« Eh bien, Hughie, ne penses-tu pas que les officiers et les hommes ont essayé d'amuser les femmes et les enfants ainsi que tous ceux qui étaient à bord et qu'ils ont rendu le voyage aussi agréable que possible compte tenu des circonstances ? »

« Oui, Johnny, et qu'est-ce que c'était beau d'écouter ce bonhomme de rédacteur en chef, Sinnett, chanter son « couplet d'adieu », quand la fin du voyage a approché ; et oh ! est-ce possible d'oublier le jour où notre bon vieux bateau est entré sain et sauf dans le port d'Esquimalt le 12 avril 1859 ? »

« Oui, c'étaient des jours heureux, Hughie. Et n'était-ce pas un groupe d'hommes bien et enjoués et n'avaient-ils pas l'air élégants lors de la parade du dimanche, dans leur magnifique uniforme rouge écarlate ?

« Oui, Johnny, c'étaient des hommes à l'air bien. Il y en avait des grands et des petits, des ronds, des dodus et des maigres ; des hommes à la barbe noire, à la barbe rousse et d'autres sans barbe du tout ; des jeunes, quelques-uns pas encore sortis de l'adolescence. Il y en avait un avec une barbe grise, un homme qui avait fait plusieurs guerres et qui avait plus de six médailles. Tu sais de qui je parle, Johnny ? Oh, mais c'était un grand homme. »

« Oh, oui (avec des larmes dans la voix), je sais de qui tu parles, Hughie. Et connais-tu cet homme - un homme dans la force de l'âge, avec des cheveux rouges et frisés, avec une magnifique barbe rousse, un homme si bien bâti, si fort et en si bonne santé ; et si adroit avec ça, un homme qui pouvait presque tout faire - vous faire une paire de bottes, vous construire un bateau, ou vous imprimer une carte et je ne sais pas ce qu'il ne pouvait pas faire. Savez-vous qui était cet homme, Hughie ? »

« Oui, oui, je le sais, Johnny (presque sanglotant). »

« Et il y avait un petit bonhomme, gros et trapu - un gars drôlement bien - qui jouait du clairon pour appeler les hommes au rassemblement, aux repas et au départ ! Ne savait-il pas bien jouer et n'était-il pas qu'un peu fier de son clairon ? »

« Oui, c'était un joueur fantastique et n'était-il pas le préféré de toutes les dames ? Crois-tu que tu pourrais le reconnaître aujourd'hui si tu le rencontrais ? Il doit être plutôt vieux aujourd'hui. Et, oh, est-ce que tu te rappelles le jour où le bateau roulait et tanguait, le pauvre vieux est tombé dans la trappe et s'est cassé le bras ? »

« Oui, je m'en rappelle mais le docteur et « Matilda » (qui l'ont soigné à l'hôpital) l'ont vite remis sur pied. »

« Dis moi, Hughie, j'entendais souvent les hommes parler de « splicing the main brace » [d'épisser le bras de grand-vergue]. De quoi parlaient-ils ? »

« Oh, ne savais-tu pas que chaque jour quand le soleil passait au-dessus de la pointe de la vergue, à midi, le quartier-maître (Davy Osment) avait l'habitude de servir aux hommes un grog avec du jus de limette ? Ils appelaient ça « splicing the main brace » [épisser le bras de grand-vergue]. »

« Et te rappelles-tu, Johnny, notre départ du port d'Esquimalt à bord du vapeur Eliza Anderson en route pour notre future caserne - « Le camp » à New Westminster - et quand nous nous sommes enlisés sur les bancs de sable de l'embouchure du Fraser ? »

« Oui, très bien et j'ai lu, l'autre jour, qu'un autre bateau s'était enlisé sur les mêmes bancs de sable. »

« Eh bien, Hughie, on a bien bavardé sur nos aventures à bord. Que penses-tu des faits du détachement après leur arrivée dans la colonie ? »

« Je pense, Johnny, que dans l'ensemble, nos hommes et nos femmes, et nous les garçons et les filles qui sommes venus avec eux, ont raison de croire qu'ils ont et que nous-mêmes avons joué un rôle important dans la colonisation de ce merveilleux pays. »

« Oui, Hughie, mais n'est-ce pas triste de penser que, des cent cinquante hommes, seulement quatorze ont été épargnés et pourront se joindre demain aux fêtes [du jubilé de notre arrivée], et que presque toutes les mères aussi sont mortes ? »

« Oui, Johnny, c'est vraiment triste de voir que tant sont partis pour leur long voyage mais nous avons la consolation de savoir qu'ils se sont efforcés d'accomplir leur devoir et qu'ils ont laissé des centaines de descendants pour aider à la construction de cette splendide province. »


 
UN ACROSTICHE


Traversant l'océan sur un vieux bateau,
Heureux de servir leur pays et fidèles à leur devise,
Encore une fois, après un long voyage, ils ont touché la terre ferme.

Robustes, forts, travailleurs, ils avaient pour but le succès,
Ont fait leur abri d'une tente sur les berges du puissant Fraser ;
Y ont travaillé vaillamment et leurs marteaux résonnaient sans cesse,
Avec plaisir les Indiens et les coyotes ont vu leurs allées et venues ;
Le temps ne fait qu'ajouter à leur gloire.

En construisant de nouvelles voies là où l'homme blanc n'était jamais allé,
N'ont pas ménagé leurs efforts pour construire la plus belle route du Cariboo.
Grandioses étaient leurs projets : construire des ponts sur les torrents, couper les sapins ;
Ils ont construit une ville, capitale de la Colombie-Britannique, en 1859.
Nous ne les oublierons jamais. Leur mémoire vivra toujours dans leurs oeuvres.
Estimés de tous sont leurs rares survivants et regrettés sont les disparus,
En 1909, le juge Howay les dénomma bâtisseurs d'empire.
Reconnaissez-vous leur nom parmi les hommes célèbres de la Colombie-Britannique ?
Symbole d'une époque, ils sont restés fidèles à leur réputation ;
B. C. admet que « Ubique quo fas et Gloria ducunt » est une devise sans reproches.
Thos. Harman.
Le 8 mars 1909.

L'HISTOIRE DES INGÉNIEURS


Cette histoire de l'œuvre des Ingénieurs Royaux en Colombie-Britannique est intéressante telle que narrée par le lieutenant-colonel R. Wolfenden dans un article lu devant l'Association des Anciens Combattants de l'île de Vancouver, le 23 novembre 1900. Cette histoire donne une excellente idée des services rendus à la Colombie-Britannique par ce régiment d'hommes célébrant actuellement le cinquantième anniversaire de leur arrivée ici. C'est à la découverte de l'or en 1858, dans ce pays appelé alors Nouvelle-Calédonie, que nous devons leur arrivée ici. Sir James Douglas, gouverneur de l'île de Vancouver, informa le gouvernement britannique de la sagesse de nommer un gouverneur pour gérer le nouveau territoire dans le cas d'un afflux soudain de mineurs. M. Douglas fut nommé gouverneur de la colonie de Colombie-Britannique ainsi appelée. Un régiment d'hommes possédant les qualités militaires et scientifiques requises fut envoyé dans la nouvelle colonie pour aider le gouverneur Douglas et pour contribuer à l'amélioration et à la colonisation du pays. Ce groupe d'hommes fut sélectionné parmi les Ingénieurs Royaux et il était commandé par six officiers, le colonel R.C. Moody, le capitaine H.R. Luard, le lieutenant A.R. Lempriere et le lieutenant H.S. Palmer. Le Dr Seddal était l'officier médical.

Un groupe de cent cinquante sous-officiers et hommes fut sélectionné parmi un grand nombre de volontaires. On y comptait des géomètres, des astronomes, des ingénieurs, des dessinateurs, des architectes, des comptables, des commis de bureau, des imprimeurs, des lithographes, des charpentiers, des constructeurs de bateaux, des forgerons, des cordonniers, des tailleurs et tout homme ayant une autre occupation ou vocation pouvant être utile à l'accomplissement de quelque tâche particulière dans la nouvelle colonie.

Le premier détachement de ce corps quitta Southampton le 2 septembre sur le vapeur La Plata, et il fut suivi aussitôt après par un deuxième détachement, sous les ordres du capitaine Grant. Le corps principal, commandé par le capitaine H.R. Luard, le Lieutenant A.S. Palmer et le Dr Seddall, avec 118 sous-officiers et hommes, 31 femmes et 34 enfants prit la mer à Gravesend sur le vapeur Thames City le 10 octobre 1859. Il s'ensuivit un long et plutôt ennuyeux voyage de six mois autour du cap Horn.

« Grâce au capitaine Marsh, la monotonie du voyage fut atténuée par la publication d'un journal hebdomadaire, en forme de manuscrit, qui avait été appelé « La Gazette des soldats émigrants et la chronique du cap Horn ». Il était édité par le caporal Charles Sinnet et le capitaine le lisait tous les samedis soirs. » Le lieutenant-colonel Wolfenden a depuis publié une nouvelle édition de ce journal, sous la forme d'un livre, qui est l'une des attractions les plus intéressantes de l'exposition historique à la Foire.

À leur arrivée à Esquimalt, le corps principal [des Ingénieurs Royaux] continua son voyage sur le vapeur Eliza Anderson jusqu'à l'emplacement de sa future caserne aux bords du fleuve Fraser. Un camp fut établi sur l'emplacement actuel de la prison provinciale. À cette époque, la ville de New Westminster était recouverte d'une forêt touffue, les seuls signes d'habitation humaine étant une jetée rudimentaire ; le saloon tenu par T.J. Scott, anciennement de Port Moody ; la boucherie du défunt Robert Dickinson ; l'épicerie appartenant à W.J. Armstrong ainsi que la boulangerie de Philip Hicks.

Le groupe d'Ingénieurs arriva ici il y a cinquante ans et ils commencèrent immédiatement à établir la capitale de la Colombie-Britannique. Le Fort Langley avait été sélectionné par le gouverneur Douglas mais il fut, plus tard, abandonné pour Queensborough. Le nom ne plaisait pas beaucoup et le sujet fut soumis à la Reine, qui nomma la ville New Westminster. Le groupe commença à construire une caserne, à établir les levés topographiques de plusieurs lieux de la ville ainsi que ceux de Hope, Yale, Lytton, Douglas, Lillooet, Clinton, Richfield et d'autres. Les Ingénieurs menèrent plusieurs explorations et levés topographiques à travers toute la province. De plus, ils établirent des observatoires astrologiques. Ils construirent un grand nombre de routes, de rues et de ponts, notamment la route carrossable de Douglas au lac Pemberton, la première et la plus difficile section de la route carrossable allant de Yale jusqu'au Cariboo, la piste de montagne de Hope ainsi que les rues principales et les routes dans la ville et la région de New Westminster. Ils constituèrent une escorte pour l'or et descendirent l'or du Cariboo. Ils mirent en oeuvre les premières églises d'Angleterre construites à New.

Le détachement fut dissous en octobre 1863, après cinq ans de service, et tous les officiers et vingt-cinq à trente des hommes retournèrent dans le vieux pays. On donna gratuitement à ceux qui restèrent 150 acres de terre et ils eurent diverses occupations dans la nouvelle colonie. Quatorze des survivants résident en Colombie-Britannique. Douze d'entre eux sont en ville pour célébrer le cinquantième anniversaire de leur arrivée.

Westminster et à Sapperton, ainsi que la première école. Ils dessinèrent le premier écusson ainsi que le premier timbre-poste utilisé dans la Colombie-Britannique. Ils érigèrent - et financèrent eux-mêmes - une salle de lecture, une bibliothèque et un théâtre dans lequel avaient lieu en hiver de nombreux divertissements,comme beaucoup de résidents s'en rappelleront. Ils établirent la Division des Terres et des Travaux publics [Lands and Works Department] et l'imprimerie du gouvernement [Government Printing Office]. Ils imprimèrent la première « Gazette de la Colombie-Britannique » le 3 janvier 1863. Les Ingénieurs Royaux assurèrent le respect de la loi et le maintien de l'ordre, ainsi que l'établissement d'une forme de gouvernement.

 
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