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LA RUÉE VERS L'OR DU CARIBOO - SOURCES PRIMAIRES


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JOURNAL DE GEORGE HILL, ÉVÊQUE DE CARIBOO

Samedi 19 mai.

Arrivé à New Westminster à huit heures. Le nombre de constructions a visiblement augmenté depuis ma dernière visite.

Il y avait plusieurs bateaux à vapeur et un trois-mâts, le Perkins de Francisco. On ne pouvait pas approcher de la jetée. Il pleuvait fort.

Je suis allé à pied jusqu'au Camp et j'ai trouvé les Moodys et le Gouverneur en train de prendre le petit-déjeuner. J'ai été accueilli avec chaleur et gentillesse.

Mardi 22 mai.

POSE DE LA PREMIÈRE PIERRE DE L'ÉGLISE DE LA TRINITÉ À NEW WESTMINSTER.

Belle journée. À midi moins le quart, Son Excellence le Gouverneur, le colonel Moody et les officiers sont partis à pied, du camp en direction de la ville où le comité [de l'église] et M. Sheepshanks les a rejoints. De là, tout le monde s'est dirigé vers le site.

L'emplacement de la nouvelle église est très beau et est situé dans les jardins Victoria. Il surplombe une vue très étendue. La nouvelle église sera très visible de la rivière pour les bateaux à vapeur arrivant de la mer. Il existe actuellement deux ravins profonds de chaque côté. Autour, il reste d'énormes souches d'arbres et le terrain n'a pas encore été nivelé. La charpente du plancher a été posée. Elle est constituée de solides semelles posées sur de courtes colonnes massives faites de bois. Sous l'un de ces supports, à l'angle sud-est extérieur du porche, on a posé la pierre de granite. Une bouteille avec une inscription et contenant des pièces de monnaie y a également été enterrée. Le Gouverneur a été reçu par une garde d'Ingénieurs [royaux]. Environ 300 personnes - un nombre important - étaient présentes. Des Chinois, des Indiens et d'autres nationalités [étaient] représentés. Le même office que celui de l'église Saint John's de Victoria a été célébré. L'évêque a terminé l'office commencé par M. Sheepshanks. Le Gouverneur a posé la pierre. Le Gouverneur, l'évêque et le Colonel Moody ont fait chacun un discours. L'office s'est terminé par la doxologie et la bénédiction.

UN RESTAURANT DANS LES BOIS

Plusieurs d'entre nous ont déjeuné avec le Gouverneur dans un excellent restaurant dont le patron était français. Nous avons mangé de la soupe, du poisson, de l'agneau, des petits pois, de l'omelette, des pêches en conserve, du vin de Bordeaux, du champagne etc. Tout ceci a été apporté rapidement, surtout si l'on tient compte que le patron n'avait pas été prévenu à l'avance.

Jeudi 24 mai.
L'ANNIVERSAIRE DE LA REINE

Le Gouverneur a invité un groupe important de personnes à passer la journée avec lui pour célébrer l'anniversaire de la reine. Il avait réservé un bateau à vapeur, le Maria pour une excursion à la pointe du lac Pitt par la rivière du même nom. Nous sommes partis à onze heures de la jetée du Camp (des Ingénieurs royaux). Il faisait gris. Il a plu un peu mais dans l'ensemble il a fait beau. Le Maria est un de ces bateaux extraordinaires, particuliers à l'Amérique qui combinent à la fois traction légère, cabines spacieuses, vitesse et puissance.
Il peut transporter deux cents personnes et ne même pas être enfoncé deux pieds dans l'eau. Sa roue est placée à l'arrière. Nous avions navigué 5 milles environ le long des riches et magnifiques berges du Fraser quand plusieurs îles sont apparues. L'une d'elle s'appelle Tree Island (l'île de l'Arbre) et c'est derrière elle que la rivière Coquitlam se jette dans le Fraser. C'est là que nous avons pris à bord un pionnier et son ami, M. Atkins, un vieux et charmant gentilhomme irlandais. Ce dernier, chassé par la Incumbered Estates Act [Loi sur les successions grevées de dettes], a erré d'Irlande en Australie et d'Australie jusqu'ici où il réside, avec ses deux fils, sur un terrain de 400 acres.

Nous avons fait demi-tour à 4 heures et nous nous sommes installés dans le saloon pour un excellent repas. Il y avait du saumon, du bœuf, du poulet et du jambon avec toutes sortes de [pâtisseries]. Les vins et le champagne ont circulé en abondance.
Le Gouverneur a offert les toasts loyaux du vieux pays qui ont été bus avec tous les honneurs requis. L'évêque et le clergé du diocèse ont été mentionnés avec beaucoup de gentillesse et on a bu à leur santé plusieurs fois.
Le colonel Moody a porté [un toast] à la santé du Gouverneur.
Plusieurs autres toasts ont été proposés. À la demande du Gouverneur, j'ai proposé celui pour la presse à laquelle j'ai associé le nom du rédacteur en chef du journal Westminster Times. Il m'a répondu en me remerciant et en me souhaitant pour moi-même et le clergé une bonne santé. J'ai souligné, entre autres, que sans devenir politiciens, nous désirions faire avancer les institutions du pays. Je me suis réjoui qu'un des premiers pas vers l'autonomie ait été accompli lors de l'établissement d'un conseil municipal à New Westminster.

Vendredi 25 mai.
EXCURSION À LANGLEY - LES INDIENS-PÊCHEURS - LE FRASER.

Le Gouverneur a quitté le camp [des Ingénieurs royaux] pour Langley. À une heure, le capitaine Parsons avec un groupe de sapeurs a suivi. Considérant que c'était une bonne occasion de voir le fleuve et cet endroit, j'ai accepté une place sur cette baleinière. M. Sheepshanks m'accompagnait.
La journée était magnifique et le paysage très agréable. La largeur du fleuve varie d'un demi mille à un mille et quart. Nous avons dépassé plusieurs îles, Tree Island, Manson's (l'île de Manson) qui fut achetée récemment par le Gouverneur et Barriston's (l'île de Barriston). De temps en temps, nous avons rencontré un canot avec des Indiens. Dans l'un, on pêchait du saumon. Nous avons vu la méthode. Il y avait trois pêcheurs dans le bateau. Deux ramaient ; l'un à l'étrave tenait une perche au bout de laquelle était attaché un sac en filet tendu par une [boucle]. Il tenait ce dernier à une certaine profondeur et dans le sens du courant, des poissons étaient alors attrapés lors de leur remontée. Dès qu'il sentait qu'un poisson était à l'intérieur, il tirait rapidement la corde qui fermait le sac et le poisson était pris et remonté dans le bateau. J'ai cru comprendre qu'ils peuvent parfois attraper des saumons aussi vite qu'ils peuvent lancer et remonter le filet.

Nous avons dépassé plusieurs villages indiens mais nous n'avons pas accosté. L'un s'appelait le village des Kaetzi [Katzi]. Ces Indiens étaient nombreux. Ces pauvres êtres se tenaient au bord de l'eau ou plutôt étaient assis ou accroupis de leur façon particulière et nous surveillaient intensément.

Nous avons trouvé le Gouverneur au Fort. Une grande pièce constituait la salle principale dans cet original bâtiment construit en bois qui se tenait à la pointe de l'enceinte réservée aux entrepôts.

Des pipes, du vin et des alcools étaient sur la table et nous avons été reçus avec hospitalité par les agents de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Nous avons été rassasiés par un thé réconfortant, du bœuf froid et des sardines. Un lit de couvertures sur le plancher d'une pièce vide nous a amplement permis de profiter d'un sommeil réparateur.

Samedi 26 mai.
OFFICE RELIGIEUX FAMILIAL AU FORT LANGLEY

Je me suis levé tôt. Un peu avant huit heures, les familles et les invités se sont réunis dans la grande salle et nous avons célébré un office religieux familial. J'ai distribué une de mes [cartes avec] des hymnes aux mineurs, en ai chanté quelques-uns, lu [un] extrait des écritures saintes, que j'ai ensuite commenté et [lu] quelques prières. On a servi ensuite le petit déjeuner. Nous avons mangé du poulet rôti, du bifteck, des pommes de terre en fines tranches, du saumon, et du beurre et de la crème à la perfection, entre autres bonnes choses.

LES INDIENS KATZI

Après le petit déjeuner, j'ai eu un entretien avec Michelle, le chef des Indiens Katzi. Je lui ai posé des questions au sujet de son peuple. [Il a répondu] qu'ils [les Katzi] étaient de moins en moins nombreux. L'alcool tout particulièrement faisait des ravages. Son cœur se brisait de voir disparaître [son peuple]. Il aimerait que ses enfants soient éduqués. [Les Indiens] de son peuple ne savaient rien de l'avenir. Ils n'y pensaient jamais. Personne ne leur a jamais rien dit. Il y avait pensé un peu lui-même mais il ne savait pas grand-chose et il va faire part à son peuple de notre conversation.
Michelle comprend bien l'anglais et il est un ami bien connu des Blancs.

INCERTITUDE INDIENNE

Un chef indien de la rivière Harrison nommé Seemium a accepté de m'emmener dans son canot à New Westminster. Nous l'avons fait attendre plus longtemps que cela ne lui plaisait et il a disparu. Nous avions convenu de cinq dollars. Ces Indiens sont bien payés. Je crois savoir qu'à Hope ils ont quatre dollars par jour (c'est-à-dire seize shillings). C'est signe qu'ils deviennent très indépendants. Il y a quelques années, ils auraient fait n'importe quoi pour un peu de tabac. À moins que vous ne les ayez sous la main au moment même où vous avez besoin d'eux, vous risquez d'être déçus plus tard.



DE LANGLEY AU CAMP [ DES INGÉNIEURS ROYAUX (ROYAL ENGINEERS) ] EN CANOT

Nous avons finalement trouvé un autre canot indien, avec deux Indiens pour ramer qui ont accepté 3 dollars.

Nous avons atteint le camp [des Ingénieurs royaux] un peu avant trois heures, ayant parcouru quelque dix-sept milles en un peu moins de trois heures.
Notre Indien en chef s'arrêtait quelquefois de ramer pour nous montrer des endroits où lui-même et sa tribu vagabondaient, autrefois, en propriétaires. Maintenant une tribu ennemie occupe la terre de ses ancêtres. Il n'a pas parlé de l'envahissement de l'homme blanc. La réalité c'est que ces tribus ont plus souffert les unes des autres qu'elles ne souffriront jamais de la part des Blancs.

Ces Indiens appartiennent à la tribu de l'endroit situé en face de Langley et s'appellent les Korlan ou Cartlan [Kwantlen]. Autrefois, ils habitaient l'endroit où est situé le camp des Ingénieurs [royaux]. Mais ils ont quitté depuis longtemps cet endroit qu'ils appellent Chastless.

Lundi 28 mai.
LA FERME DU COLONEL MOODY

Ai marché avec le colonel Moody et le capitaine Prevost à la ferme ou clairière appartenant au premier, sur le chemin de Burrard's Inlet à environ deux milles et demi du camp [des Ingénieurs royaux]. Jusque là, ce n'est qu'une forêt dense. La piste est très accidentée et n'est même pas praticable à cheval, encore moins avec des roues. Là, environ sept acres ont été défrichés et un jardin a été cultivé. Des poires poussent. Des pommiers ont été plantés. Le terrain avoisinant a été brûlé. Les arbres de la forêt se tiennent encore debout mais ils sont morts, la broussaille a disparu. Un arbre brûlé et mort est tombé pendant que nous [y] étions. Deux hommes abattaient des arbres. L'arbre est tombé avec un fracas formidable. Je l'ai mesuré et j'ai calculé [une longueur de] 170 pieds.
Dîné aujourd'hui au mess des Ingénieurs [royaux].

Mercredi 30 mai.
...À environ dix heures et demie ce soir, je me suis embarqué sur le Moody en route pour Hope et Yale. Le colonel Moody est parti à la même heure. À une heure et demie, nous avons atteint Langley où nous avons jeté l'ancre.

Jeudi 31 mai.
À quatre heures et demie, nous avons quitté Langley et avons continué notre voyage en vapeur. Quelques milles plus loin, le fleuve prend un aspect bien défini avec des hauteurs rocheuses de chaque côté. [Nous] avons atteint [l']embouchure de [la rivière] Harrison [à] midi et demi ; plusieurs îles [se trouvent] à [l']entrée. Le courant à [la] jonction [de la] Harrison et du Fraser [est] très fort. [Le] vapeur, à un certain moment [fut] pratiquement jeté sur un rocher. Sa roue [en était] à trois pieds. [Le] village indien à l'entrée de la Harrison appelé Scourlitz, [a été] baptisé Carnarvon par le Gouverneur [Douglas]. D'ici à Douglas, il y a 40 milles. Nous avons atteint cette dernière à six heures. La plus grande partie de la ville s'étend le long d'un lac magnifique, le Harrison. L'eau [était] d'un bleu limpide d'une grande profondeur ; le fond n'avait pas été sondé à moins de 100 brasses. Les montagnes de chaque côté, d'une hauteur considérable, [étaient] couvertes d'arbres et étaient très rocheuses, [sans] terres cultivables. Les chutes et cascades [sont] fréquentes. Ce lac, sous tous ses aspects, est une réplique du lac Pitt, sauf qu'il est à l'échelle double.

DOUGLAS

À la pointe du lac, après un chenal sinueux, se trouve le port de Douglas avec la ville à son extrémité. Elle consiste, pour l'instant, en quelques constructions en bois avec un excellent quai.

LES MINEURS ET L'ÉGLISE

Sur mon chemin, je fus accosté par un mineur, « s'il-vous-plaît, Monsieur, comment va l'église à [New] Westminster  ? ». C'était l'un des cinq mineurs qui avaient donné leur temps pour défricher le bois sur l'emplacement. Ces cinq hommes ont ensuite offert leur cabane en rondins à M. Sheepshanks et c'est là qu'il habite.

L'autre jour, c'était un dimanche, le vapeur est arrivé ici apportant des mineurs. Aussitôt, dix mineurs se sont dirigés, en groupe, vers l'église. C'étaient des Canadiens. À ce sujet, les Canadiens sont différents des Américains. Ces derniers, en tant que groupe, sont, non seulement indifférents mais ouvertement injurieux envers la religion. Pour le moins, leurs blasphèmes sont en quelque sorte horribles. Ce n'est pas le cas de ceux originaires de nos colonies. Il y a une différence marquée. J'attribue ce respect pour la religion au soin accordé aux colonies, ces dernières années, par l'Église d'Angleterre, sous l'influence de Dieu.

Vendredi 1er juin

Nous avons quitté Douglas à 4 heures et demie. Temps délicieux. Le fleuve [est] très rapide et semble forcer son chemin à travers une série de gorges montagneuses dont les hauts versants sont couverts d'arbres. Cependant, sur chaque berge, il est possible de cultiver [la] terre, la largeur de la vallée variant de 1 à 3 ou 4 milles, sans compter le fleuve qui mesure de 1/2 à 3/4 de mille. Aujourd'hui le Gouverneur ne se sent pas bien. En amont de la rivière, le paysage devient encore plus beau. Les montagnes plus proches, le fleuve plus rapide. À environ quarante milles de l'embouchure de la Harrison, nous nous sommes approchés des barres minières. Hudson's Bar [la barre de Hudson], Last Chance Bar [La Barre de la Dernière Chance], Blue Nose [le Nez Bleu], Man Hatten [sic], Cornish [la barre de Cornouailles]. Quelques-unes sont des bancs de sables qui s'élargissent jusqu'au cours d'eau et sont recouverts [d'eau] fraîche à la haute saison, comme maintenant, [et] taris d'août à mars. D'autres sont les berges de la rivière qui ont été creusées et excavées et dont ils ont extrait l'or. La première couche de terre est déblayée en premier, ensuite on trouve à environ quatre pieds de profondeur, une couche de sable noir dans laquelle est l'or. Le mineur, à l'aide d'un tuyau qu'il manie en un jet puissant, déblaie la première couche de terre jusqu'à ce qu'il atteigne le riche gravier aurifère. Cette méthode appelée hydraulique permet d'enlever beaucoup de terre en un temps très court.

Durant les quatre derniers milles, le courant était si fort qu'il nous a fallu deux heures pour parcourir la distance. Finalement, nous avons atteint Hope et les échos retentissants répondirent longuement et aimablement aux canons du fort et à la sirène du vapeur qui accueillait le Gouverneur. Il était dix heures quand nous avons touché la jetée. Je suis allé sur la plage où j'ai fait une jolie promenade sous la pâle lumière de la lune. L'air était doux et le paysage entièrement suisse. Vous auriez pu vous croire à Chamouni [Chamonix] ou dans le Haut-Rhin, sauf qu'il n'y avait pas de glaciers qui brillaient dans les nuages.

VAPEURS SUR LE FRASER

J'étais prêt pour certaines choses en Colombie. Mais je ne m'attendais certainement pas au logement confortable offert par les vapeurs. Le coût du Moody était de 2000 livres. Ce bateau paie ses actionnaires presque cinquante pour cent. Il peut loger 300 passagers. Les trois nuits que j'ai passées à bord, j'ai eu une cabine supérieure à celle que j'avais occupée sur les navires La Plata ou Silent, de la West India Mail Company [Compagnie du courrier des Indes occidentales]. La nourriture était bonne et abondante. Ainsi, pour le dîner du premier jour, de la soupe, de l'esturgeon, de la viande de mouton, du bœuf, du lard fumé, des pommes de terre, des haricots, des carottes, des tartelettes aux pommes. Pour le petit-déjeuner, il y avait de l'esturgeon frit, du lard fumé, des côtelettes de mouton, des petits pains chauds, du pain, du beurre, du thé et du café etc., [et] des fourchettes et cuillères en argent. Tout [était] très propre et bien cuisiné. Les prix sont élevés : 4 shillings le repas, en plus du prix du voyage. Le capitaine était un Écossais, le commissaire de bord un citoyen américain né en Irlande, le commis aux vivres un Africain, le garçon de cabine un Chinois, le pilote un Américain, etc. C'est ce à quoi on peut s'attendre sur un vapeur du fleuve Fraser.

Samedi 2 juin

J'ai couché à bord la nuit dernière puisque rien n'avait été préparé à terre. Tôt ce matin, je me suis levé et, avant le petit-déjeuner, j'ai planté ma tente près de la maison en bois de M. Pringle. Ayant fait honneur au jambon froid que Mme Bridgman avait mis dans mon panier ainsi qu'au foie de bœuf et à la marmelade fournis par M. Pringle, j'ai copieusement entamé le pain et le beurre excellents. Je partis pour inspecter les lieux.
J'ai fait une promenade avec le Gouverneur et le juge en chef Begbie et le colonel Moody. Je suis allé ensuite, accompagné de M. Pringle et de M. O'Reilly, le magistrat, à la recherche d'un endroit pour [un] cimetière. Déjeuné avec le Gouverneur, [ensuite je me suis] promené avec lui et M. Begbie jusqu'au nouveau pont sur le Quecquealla [Coquihalla], un torrent montagneux d'environ 200 mètres de large qui est la route à la rivière Similkameen dont la région est très belle et propice à l'agriculture, en plus d'être aurifère.

UN GENTILHOMME MINEUR

À mon retour, j'ai rencontré M. Pitman, en habit de mineur avec de longs cheveux hirsutes et une barbe, un homme jeune dont j'avais rencontré les amis en Angleterre. Il travaillait dernièrement à Union Bar [la barre Union]. Je lui ai demandé si ce n'était pas trop dur. Il a dit que c'était plus agréable qu'on ne l'aurait cru.

MINEURS

Ce soir, je me suis promené en direction de Cornish Bar [la barre de Cornouailles], le long de la rivière. Je suis passé devant plusieurs cabanes de mineurs. [Dans] l'une d'elle était un jeune homme très bien, qui venait d'aussi loin que Tipperary. Son compagnon s'est vanté d'être un Yankee et il en avait bien l'air. Pas grand-chose à faire. Ils étaient respectueux et de toute évidence aimaient qu'on leur parle.
Un autre mineur était assis avec des Indiens et de la même façon qu'eux. Un quatrième était assis à la porte de sa cabane en bois en train de lire un tract de la Christian Knowledge Society [Société pour la Propagation de la Connaissance Chrétienne]. Il venait du Herefordshire et il lui tardait de revoir encore une fois l'ancien pays. Il semblait intelligent et bien disposé et il a parlé de la non-existence sur les barres minières de moyens de rendre grâce.
Aujourd'hui, un enfant appartenant à un mineur a été enterré.

3 juin, dimanche de la Trinité.

UN CHASSEUR D'OURS INDIEN

J'ai bavardé aujourd'hui avec Skiyou, un chasseur d'ours remarquable. On l'avait envoyé à la recherche d'un nouveau passage vers la rivière Similkameen. Sur son chemin, il avait tiré sur un ours. L'ours était tombé. Il s'apprêtait à le dépecer quand soudainement l'ours s'est levé et l'a attaqué. Le combat a duré un bon moment et Skiyou en est sorti victorieux mais horriblement blessé. L'ours l'avait attrapé et avait mutilé plusieurs parties de son corps. Ses blessures saignaient abondamment. Il essaya, néanmoins, de ramper jusque chez lui. Il est resté pendant presque dix jours sans nourriture. Aussi étrange que cela paraisse, il a réussi finalement à atteindre Hope. On s'est beaucoup intéressé à lui. Aujourd'hui, il est venu voir M. Pringle qui lui a donné de la nourriture. J'ai vu les blessures sur ses mains et bras, causées par les dents de l'ours et il m'a expliqué la façon très remarquable dont l'ours s'était battu.

Je lui ai parlé en chinook de la miséricorde de son père au ciel et de toutes les raisons qu'il avait d'être reconnaissant. Il a semblé pensif quand il a opiné de la tête mais il est vite passé à d'autres sujets. Il était beaucoup plus inquiet quand on lui a parlé de son enfant malade couché sans grand espoir. Il a dit qu'il était malade, « tum tum » (j'ai compris qu'il voulait dire qu'il était malade et triste) et Maman aussi était malade, « tum tum».



LA ROUTE DE SIMILKAMEEN

Cette route vers la Similkameen est importante car elle ouvre les portes de la région sud-est de la Colombie-Britannique, traverse de bonnes terres rurales ainsi qu'une vaste région des États-Unis jusqu'à laquelle le commerce britannique pourra se frayer un chemin à partir de ce point sur le fleuve Fraser. Aussi, d'un point de vue militaire, la route à partir de Hope est importante car elle peut intercepter tous les mouvements américains vers les mines d'or de Colombie-Britannique.
Ce soir, encore une fois, il y avait beaucoup de monde à l'office. Il ne pouvait pas y avoir moins de quarante personnes, un nombre important pour Hope. La présence des Américains ne pouvait passer inaperçue, compte tenu du nombre inhabituel de crachats ! Mon sermon était basé sur les Romains 10 :13, etc., O comme est beau, etc... .
Dans l'ensemble, j'ai passé un bon dimanche. Le beau temps, le paysage magnifique et l'office chaleureux m'ont, tous les trois, revigoré.
Que je voudrais avoir trouvé en moi plus de la force et de la vie du Saint-Esprit ! Hélas, comme je suis éloigné de l'exemple qu'il est de mon devoir de montrer devant nos congrégations.

Mardi 5 juin

LE SHAMAN

J'ai entendu des bruits bizarres en passant près d'une cabane indienne. Quand je me suis approché, je me suis aperçu qu'il s'agissait de celle de Skiyou, le chasseur d'ours indien. Sa femme avait son enfant malade sur ses genoux. Devant elle, il y avait le shaman pratiquant sa magie à l'intention de l'enfant. C'était un homme dans la quarantaine aux traits marqués. Il répétait sans cesse quelques mots avec de nombreux gestes. De temps en temps, il caressait la tête et l'estomac de l'enfant. Il y avait à côté de lui une bassine d'eau contenant un mélange blanc quelconque. Il prenait ce mélange et le frottait sur les mains, ou il soufflait sur ses mains et sur l'enfant, puis éclatait de nouveau dans ses lamentations et incantations. La mère tenait son enfant vers lui et avait, de toute évidence, une foi considérable dans le shaman.

UN JEUNE MINEUR CHINOIS

J'ai bavardé avec un intelligent jeune homme de 19 ans, Wong Chan Yun, le dernier mot étant son nom personnel. Wong [est] celui de sa famille ou de sa région, dans les environs de Canton. Il a quitté la Chine en 1857. [Il] est venu ici de Californie en 1858. Il parle anglais assez bien et il sert d'interprète. Je lui ai demandé si, ici, les Chinois avaient un culte et il m'a répondu aucun, ni de prêtre. Il n'a pas pu dire s'il y aurait un temple. À Francisco, il y avait un temple mais c'était le mauvais dieu. Il ne pouvait pas s'en rappeler le nom, mais le vrai dieu qu'il vénérait s'appelait Shung Ti. Il priait Shung Ti qui était au paradis et qui punirait les méchants et récompenserait les bons. Shung Ti avait été un homme auparavant. Il ne pouvait pas me dire toutes ses pensées sur Shung Ti. Il ne connaissait pas suffisamment d'anglais. Je lui ai demandé ce qu'ils faisaient dans le temple ; il m'a répondu qu'ils jouaient avec les bâtons d'encens.

Très peu de Chinois pensaient à de telles choses, la plupart d'entre eux n'étant pas croyants. Il était allé à Hong Kong et avait entendu parler des écoles de l'évêque. Je lui ai demandé s'il avait envie de retourner et il m'a répondu : « Oh oui, j'aimerais retourner ». « Avez-vous des frères et des sœurs  ? » ai-je demandé. « Oui, une sœur qui s'appelle Amoy et des frères ». Des larmes lui sont venues aux yeux: « mais je leur ai envoyé ma photo ! ».

Les Chinois, ici, m'a-t-il dit, sont venus de leur propre gré. En Californie, ils sont liés à des chefs qui reçoivent une partie de leurs gains.
Ils vivent principalement de riz et de thé à leurs trois repas, quelquefois du poulet et du porc et des pommes de terre. Ils envoient chez eux les os de leurs morts. Ils laissent les corps à putréfier et la chair s'en va. Ils envoient ensuite les os, pour le confort de leurs amis. Il n'en connaissait pas d'autres raisons. J'étais content d'être avec ce jeune. Il y avait quelque chose d'attirant, de simple et de franc dans ses manières.

Dîné aujourd'hui avec M. O'Reilly, le juge, un homme vraiment bon. Peu avant de quitter l'Irlande, il a abandonné la religion catholique romaine pour se joindre à notre église. Après dîner, nous avons fait une promenade très agréable.

Jeudi 7 juin

Fait une promenade bien agréable à cheval avec M. O'Reilly le long des pistes de la Brigade et de Boston Bar. La voie se trouve le long du lac Dallas, vers le Coquihalla, à travers des gorges montagneuses et de charmantes vallées. De temps en temps, les montées et les descentes étaient très escarpées ; à d'autres endroits la route était nivelée et permettait un bon galop. Ces chevaux du pays ont le pied sûr. Nous avons passé six bonnes heures ainsi et j'ai beaucoup apprécié et le paysage et l'exercice.

Samedi 9 juin

À huit heures du matin, j'ai quitté Hope dans un canot à destination de Yale pagayé par 3 Indiens. La journée était belle. Le paysage était grandiose. Les berges montagneuses du Fraser s'érigeaient en un imposant tableau. Ici et là, des gorges profondes et des vallées déversaient leurs torrents, qui se précipitaient en rugissant le long de leur lit rocailleux pour grossir le fleuve laiteux, dépassant, en ce moment, de plusieurs pieds son niveau d'hiver, gonflé en un torrent bouillant, rapide, et puissant.
L'ingéniosité des Indiens fut mise à rude épreuve. Nous nous sommes faufilés très près de la berge, nous plaçant même sous les branches des arbres pour éviter le courant. Mais il y avait des moments où les rapides étaient forts. Les Indiens semblaient aimer le danger et la vue d'une cascade déferlante, moussante et rugissante que notre fragile barque devait escalader leur inspira une ardeur renouvelée. Chaque nerf était excité, ils criaient et accéléraient la [...] [chose], qui filait soudainement devant les roches et les écueils. Quelquefois, le torrent dévalant était tellement violent qu'un tourbillon se formait dont la direction était pour quelques instants contraire et avait pour effet de nous remonter vers le haut. Plusieurs fois, nous avons dû quitter le bateau et marcher et une fois même le canot a dû être transporté hors de l'eau et porté sur la terre ferme au-delà des rapides dangereux. Il m'était facile de voir comment pendant la ruée vers les mines en 1858, beaucoup de mineurs ont été noyés en essayant, sans aide, de se forcer un passage. Il est facile d'apprécier la difficulté de cette partie du fleuve quand [je vous dis] qu'il nous a fallu huit heures pour parcourir quinze milles. Mercredi, quand le Gouverneur et le colonel Moody sont venus par le même chemin avec d'excellents navigateurs, ils ont pris onze heures !
Rien ne peut surpasser la beauté pittoresque partout présente. Les berges étaient fréquemment couvertes de fleurs et en fait, nous avons cueilli des roses le long du chemin.

LES BARRES MINIÈRES

Nous sommes passés devant plusieurs barres minières. La plupart sont désertes maintenant en raison de la montée des eaux. Nous avons vu plusieurs mineurs et ils étaient très contents de faire la conversation. Sur le banc du bras de mer Puget Sound, quand j'ai dit que les Chinois semblaient s'enrichir, un mineur a remarqué : " Oui, nous appelons cette région « La Nouvelle Chine ». Sur Strawberry Island (l'île des Fraises), un homme âgé et à l'air respectable est sorti et a placé un fauteuil devant sa cabane. On aurait pu croire qu'il nous demandait de nous arrêter et de lui parler. Il lisait un journal et il portait des lunettes.

À Hill's Bar [la barre de Hill], deux mineurs étaient en train de cueillir des roses et d'autres fleurs. Peut-être pour fleurir leurs cabanes pour dimanche. Les papillons étaient nombreux. Particulièrement les [rares] « porte-queue » et les « vanesses de Virginie ». À quatre heures, nous sommes arrivés à Yale et avons été reçus avec hospitalité par M. Crickmer et son estimable femme.

Dimanche 10 juin.

C'était l'inauguration de l'église temporaire ici (à Yale). C'est un petit bâtiment, autrefois un magasin, décoré avec goût par M. Crickmer. Il a un mélodéon que les gens ont acheté. La partie musicale de l'office a été très honorablement exécutée si l'on considère que la plupart des participants n'avaient jamais entendu chanter des psaumes auparavant. Environ 40 personnes étaient présentes parmi lesquelles le Gouverneur et le colonel Moody. D'habitude, la congrégation ne comprend pas plus de douze ou quinze membres ; c'était donc une bonne représentation.

Lundi 11 juin.
De la pluie presque toute la journée. [Je] suis allé voir des endroits pour [un] cimetière. Un ravin romantique avec un torrent déferlant délimite la partie nord de la ville. C'est un paysage assez remarquable - un pont pittoresque traverse le torrent sur la route menant à la ville.

MULES ET CHEVAUX DE SOMME

Près de cet endroit, on préparait et chargeait des mules et des chevaux de somme pour le haut pays. J'ai parlé à un homme en charge. C'était un jeune homme barbu, d'une trentaine, à l'aspect rude. Il avait travaillé dans les mines et avait, de toute évidence, souffert de privations.

Mardi 12 juin.
LE CANYON

Je suis allé voir aujourd'hui les travaux en cours pour la construction d'une route à travers le canyon - qui est une gorge étroite - de la montagne, là où le Fraser émerge. Le but est d'avoir une route pour mules le long de la base des rochers perpendiculaires. Un groupe de Royal Engineers [Ingénieurs royaux], aidés par d'autres, travaillent à faire exploser les rochers. Le travail est de grande envergure, dangereux et difficile à exécuter. J'ai marché sur la corniche étroite qui borde l'endroit où travaillent actuellement les sapeurs. Le long de celle-ci, des Indiens circulent, chargés de marchandises, d'un poids [de] 100 livres. Le point d'appui dans certains endroits n'est certainement pas plus qu'un demi-pouce ; l'un d'eux ne constituait qu'une simple encoche pour le talon nu d'un Indien. Un faux-pas entraînerait une chute dans le gouffre du torrent tourbillonant. On dit que plusieurs mineurs ont perdu leur vie à se forcer un chemin à cet endroit. Des hommes endurcis, arrivant à ces endroits, ont jeté tout ce qu'ils avaient entre les mains ou ce qu'ils portaient, afin de sauver à tout prix leur vie.

On a engagé un sapeur pendant deux jours pour faciliter la voie pour les Indiens à un endroit encore plus difficile que ceux décrits. Ici, la seule façon de passer était de se tordre le dos d'une manière spéciale afin de garder son équilibre. Un rocher a été dynamité par un sapeur afin de permettre de passer le col debout. Sur deux gouffres d'une largeur de vingt ou trente pieds, on a posé, dans un cas, une planche, dans l'autre deux minces poteaux attachés ensemble. Sous ces chemins étroits et sinueux, rien ne sépare des eaux rugissantes d'en bas.

La seule autre façon de traverser la chaîne est par dessus la montagne par un chemin, dangereux, long et ardu. Il est, en hiver, fermé par les neiges. Il est donc très important d'ouvrir une route qui sera rapide, sûre et accessible en toutes saisons.



RENCONTRE ET THÉ À YALE

Ce soir presque tous les habitants se sont rassemblés pour me présenter un discours de bienvenue. Le prix d'entrée était d'un dollar (quatre shillings) pour que le compliment soit plus marqué. La présidence était assurée par M. Curtz [Kurtz], un Américain d'origine allemande.

La plupart de ceux présents étaient des Américains. Il y avait trois catholiques romains et d'autres de diverses croyances y compris des Juifs, le président lui-même étant un luthérien. Le meilleur esprit de conciliation régna. J'ai répondu au discours. Le colonel Moody a suivi et tout en parlant de plusieurs sujets concernant leur ville, il les a encouragés fermement et avec tact à suivre une vie religieuse.
Le président a fait allusion aux différentes nationalités devant lui, au rassemblement de représentants de plusieurs sectes et les a pressés de s'unir tous en un groupe uni et de faire de l'Eglise anglicane leur religion.
La dernière visite du colonel Moody a eu lieu avec une force armée pour capturer le fameux Ned McGowan. Tous sentiments de mécontentement avaient alors disparu. Un changement s'était effectué chez les Américains et ils appréciaient mieux l'ordre, la sécurité et la vraie liberté du système anglais. L'un d'entre eux me fit remarquer ceci quand je lui ai demandé s'ils avaient tous l'intention de rester et de s'installer pour de bon.
L'un des semeurs de trouble des émeutes McGowan était présent. C'est un jeune homme bien avec des qualifications supérieures qui a quitté son foyer à Boston pour venir dans les mines aurifères. Dimanche, je l'ai observé à l'église, l'un des plus appliqués de la chorale. Ce soir, il s'est levé et dans un discours clair, court et bien tourné, il a proposé un vote de remerciements à mon intention pour la façon dont j'avais parlé du peuple américain ainsi qu'à l'intention du colonel Moody pour avoir amené ses sapeurs, non pour la guerre mais pour le progrès. Il s'appelle Kelly. Je lui ai dit que j'espérais lui rendre visite à la barre minière. Il a dit : « tous les mineurs vous souhaiteront la bienvenue ».
Dans l'ensemble, cette occasion s'est révélée extrêmement intéressante et je m'en souviendrai pendant longtemps. Le matin, on avait signé le contrat pour faire une route qui serait la grande route vers l'intérieur, peut-être vers le Canada et l'Angleterre. Ce fut un grand pas vers la civilisation et le progrès. Il était de circonstance de rendre l'occasion solennelle en exprimant notre respect pour la religion et pour l'avancement de la cause de l'église de Jésus.

Mercredi 13 juin.
LES CHINOIS
Les Chinois arrivent en grand nombre et se répandent dans les barres minières. Ils repassent sur les concessions que les Européens ont déjà prospectées. Ils sont satisfaits avec un ou deux dollars par jour et gagnent souvent bien plus. Ils raflent des concessions et paient jusqu'à 500 à 4000 dollars. En Californie, on ne les aimait pas. Ils doivent payer de lourdes taxes et récemment une loi a été votée interdisant l'arrivée d'autres.
Reste à savoir si nous les trouverons gênants ici. Ils nous aident actuellement à aménager le terrain, ils consomment des produits manufacturés, ils cultivent des jardins sortis d'arides terres en friches et M. Perrier, un mineur en vue de Hill's Bar [la barre de Hill], m'a dit qu'il les employait comme ouvriers et qu'il les préférait nettement aux hommes blancs. Ils travaillent plus longtemps et plus docilement de telle façon que leur main-d'œuvre constituait une économie importante.
Je me suis promené aujourd'hui avec M. Crickmer à la recherche d'un cimetière. Nous avons choisi un endroit à l'ouest près de deux ruisseaux. Notre promenade était agréable parmi un beau paysage et une multitude de fleurs merveilleuses. Nous avons cueilli des fraises.

Jeudi 14 juin
HILL'S BAR [LA BARRE DE HILL]

J'ai traversé la rivière en face de Yale et ai pris la piste de Hill's Bar. Nous avons traversé des bois de jeunes sapins. La plupart du terrain a été défriché.

Hill's Bar, quelques milles en dessous de Yale, fut le théâtre d'une grande effervescence en 1858. C'était le plus riche de tous les gisements. Des milliers s'y précipitèrent et des milliers de livres [d'or] en furent extraites. C'est là que les émeutes McGowan éclatèrent. Quand le colonel Moody, accompagné de ses hommes, arriva sur les lieux, [il] but le champagne avec les émeutiers qu'il était venu arrêter.

Les premiers gisements d'or étaient sur les rives de la rivière sur lesquelles poussaient des arbres géants. Tous ces arbres et des tonnes de terre ont été déblayés, jusqu'à une profondeur pouvant aller de dix à douze pieds.

On sait maintenant que les bancs les plus hauts, ou les battures situées plus loin dans la rivière, sont très aurifères. On les exploite actuellement.

CANALISATION
Le courage et l'esprit d'entreprise du mineur sont deux des choses les plus intéressantes au sujet de l'exploitation aurifère. L'eau est absolument nécessaire pour deux raisons, laver la terre au dessus de l'or, et laver le riche gravier aurifère qui contient l'or. Pour la première tâche, une [puissance d']eau énorme est fréquemment nécessaire. Cette eau est apportée d'une lointaine distance dans des canaux de bois, des conduites d'amenée et des biefs creusés dans la terre ou la roche et qui sont ensuite dirigés vers les chantiers. L'eau est projetée à l'aide d'un tuyau pour déblayer d'énormes masses de terre.

À Hill's Bar, j'ai visité aujourd'hui un canal d'écoulement d'une longueur de deux milles et qui avait coûté 12 000 dollars ou 2 400 livres. Une compagnie y [a investi] douze actions, dont huit sont détenues par un seul homme, M. Perrier. Les mineurs de diverses concessions paient pour une bouche d'eau, cinq dollars par jour. Quelquefois, il y a quarante concessions et le canal d'écoulement rapporte aux propriétaires 200 dollars ou 40 livres par jour.

Nous avons visité des endroits où, à l'aide d'un crible-laveur sans la puissance d'un sluice, les Chinois gagnaient cinq dollars par jour. Le sluice est l'endroit où est déversée la masse d'eau du canal d'amenée et où le pelletage continu de la terre produit un grand rendement d'or, en raison de la plus grande quantité de terre lavée. Plus grande est la masse de terre lavée en un temps donné, plus grand est le rendement. Le crible-laveur est sur la berge de la rivière. C'est une sorte de brouette sur roulements, avec un seau sur le devant. Il comprend un tamis, sous lesquelles sont deux tapis. Au fond se trouve une plaque de cuivre avec du vif-argent. Le riche gravier aurifère est jeté dans le tamis tandis qu'on agite la machine d'une main et que l'autre verse continuellement de l'eau. La terre et l'eau passent à travers le tamis et les tapis. Le tamis retient les pierres et les particules les plus grosses. Les tapis attrapent d'autres particules, par exemple d'or, etc. et le vif-argent retient la poussière d'or.

MINEURS SUR HILL'S BAR
Nous avons rencontré tout d'abord un jeune Irlandais sympathique, qui s'exprimait bien et qui était ravi d'avoir une occasion de parler. Il enlevait les arbres d'un terrain situé plus haut et prêt à être exploité. Il venait de Cork.
Ensuite un Gallois attira notre attention. Il était dans une profonde tranchée d'accès, était depuis deux ans sur la barre.
J'ai parlé avec plusieurs hommes pendant que nous traversions le vaste terrain. Mais il était rare que je puisse aborder le sujet de la religion même indirectement.
En passant devant une cabane, nous avons aperçu une femme à l'intérieur.

LA FEMME DU MINEUR

Il y avait un ordre et une propreté. Elle sortit et nous indiqua la direction de la maison que nous cherchions. J'ai posé une ou deux autres questions. Elle me dit : « Entrez, je vous prie ! ». Cette jeune femme venait du nord de l'Irlande. Elle était protestante. Elle s'était mariée en Australie et y avait passé deux ans. Il y avait quelque chose de simple et de touchant dans ses [manières]. J'ai abordé le sujet de la religion. Elle adorait assister aux offices religieux et avait été pieusement élevée. Son père avait l'habitude de réunir la famille dans des prières matin et soir. Il vivait encore. Elle se sentait très seule et n'avait aucune compagnie féminine. Une autre femme se trouvait là mais sa conduite était telle qu'elle ne pouvait la fréquenter. Son mari, dénommé Bean, était un Américain. Il est entré, nous a prié de l'excuser car il était très occupé. Il semblait être un jeune homme bien. Quand il fut sorti, elle nous dit : « Vous devez lui pardonner, il est très fruste ici, si différent de ce qu'il était à Melbourne, mais cet endroit rend les gens frustes. » Elle n'avait aucune bible ou livre de prières. Je lus un extrait des Écritures Saintes, l'expliquai et priai. Elle dit : « Oh, comme je me rappelle tout cela ! ». En partant, elle nous remercia plusieurs fois et dit « Je n'aurais jamais pensé qu'un pasteur serait venu, ici, me rendre visite. «

L'IMPATIENCE DES MINEURS
J'ai demandé à un robuste mineur comment il se faisait que ceux comme lui qui étaient allés en Californie et étaient ici depuis dix ans n'avaient pas encore fait fortune. Il dit :« c'est parce que, Monsieur, l'idée de gisements plus riches obsède toujours les mineurs et que souvent ils abandonnent de bonnes concessions payantes pour suivre de vagues rumeurs, en pensant améliorer leur sort et fréquemment ils dépensent tout ce qu'ils ont et reviennent plus pauvres qu'ils ne sont partis. Moi-même, si j'entends parler de quoi que ce soit meilleur, je ne peux me retenir, je dois partir. J'ai possédé une fois 6000 dollars, mais tout a disparu. » L'excitation causée par l'exploitation de l'or est immense. Le mineur ne sent jamais la fatigue. La passion pour son travail le soutient toujours. M. Perrier m'a dit que les cartes et le whisky sont leur malédiction. Ils jouent rarement pour de l'argent mais pour un verre, un dollar la partie.
Un homme va aller à Yale dimanche et va dépenser de vingt-cinq à quarante dollars en boissons pour offrir aux autres. Il ne connaît aucun homme ayant des convictions de tempérance. Il y a cependant plusieurs hommes sobres. Lui-même, bien qu'étant un vieux mineur, ne touche jamais d'alcool, seulement du porter et de la bière blonde. Il a toujours une douzaine de porters anglais dans sa maison (sur la barre).

Vendredi 15 juin
Belle journée. Le colonel Moody est parti. Les Chinois ont organisé une grande fête avec [des pétards] en honneur de son départ.

UNE PROMENADE SUR LA PISTE - LES CHARGES INDIENNES
À onze heures, nous avons quitté Yale pour la piste vers le nord. Elle s'étendait sur des collines abruptes et des chemins rocheux. Nous avons rencontré beaucoup d'Indiens que nous avons salué. Tous semblaient contents d'être remarqués. Une famille voyageait dans la même direction. [Tous portaient] des charges lourdes - le père, la mère et les deux petites filles. Une petite fille portait une charge très lourde pour un enfant. Ils étaient chargés de farine et de pain. Ils portaient des charges sur leurs dos aidés par des ceintures sur leur front.

LES CHINOIS

Nous avons rencontré de nombreux Chinois. Ils venaient en ville pour leurs provisions. Sur notre chemin du retour, nous les avons rencontrés chargés. Ils portent tout sur les deux extrémités d'une perche posée sur l'épaule. Leur costume, pour la plus grande part, semble ne jamais avoir changé car ils sont la reproduction exacte des images [de] la vieille Chine que nous sommes habitués à voir depuis notre jeunesse.
Une boutique chinoise est exactement telle que dépeinte. Chaque Chinois à l'intérieur, chaque attitude illustre parfaitement cette réalité désuète. Certains Chinois, après un certain temps, adoptent nos coutumes et achètent nos vêtements, ce qui améliore leur apparence. L'un de ceux que j'ai rencontré aujourd'hui m'a dit qu'il a une femme et des enfants à Canton. Je lui ai demandé pourquoi il ne [les] a pas amenés ici. Il m'a dit qu'il n'avait aucuns moyens. Un autre Chinois qui se tenait près a dit que ce pays n'était pas un endroit pour les dames chinoises, leurs pieds étaient trop petits, elles étaient trop raffinées pour ce lieu.

PAYSAGE
À l'auberge appelée « Four Mile House »  ? [la maison des Quatre Milles], nous avons quitté la piste de la rivière et sommes arrivés bientôt devant une des plus belles et magnifiques vues. Nous étions sur un promontoire de 1100 pieds au-dessus du fleuve qui sous nos pieds déroulait son cours tumultueux à travers les cols montagneux. La vue était exactement similaire à celle observée du Bastei dans le Saxon en Suisse où l'Elbe passe de Bohème en Saxonie à travers les montagnes. J'ai un souvenir des plus vifs de cette vue et c'était exactement la même, sauf que les montagnes étaient plus hautes et magnifiques et que le fleuve coulait continuellement dans la montagne, tandis que la vue du Bastei montre l'Elbe émergeant dans un paysage moins rugueux avec des chaînes moins élevées.
Nous avons descendu cette hauteur de 1100 pieds par une descente presque perpendiculaire et sommes arrivés à un joli sentier le long de la rivière. Au pied il y avait un jardin, entretenu par un Américain [et] d'une remarquable fertilité. Nous en avons rapporté quelques radis. Plus loin, à environ un mille et demi, il y avait une maison d'étape, une auberge située sur le bord de la route, appelée Hodges. Là nous avons commandé du lard frit et des pommes de terre et du café. Quand j'ai proposé de payer, ils n'ont rien voulu. Une cabane a été construite à l'endroit où les Américains doivent se rassembler le jour de la fête du 4 juillet. Au retour, nous avons rencontré des mineurs revenant de la rivière Quesnelle [Quesnel]. Ils n'ont pas eu le succès anticipé bien que l'or soit abondant. Ils avaient parcouru à pied une distance d'environ 450 milles à partir de Quesnel, en quinze jours.
Après notre promenade de quelque 13 milles sur une piste accidentée, nous sommes rentrés chez nous surpris de constater combien nous étions peu fatigués après notre excursion de huit heures.

MINEURS -- LA RÉGION DE QUESNEL
Les mineurs de la région de Quesnel étaient chevronnés. Ils étaient partis non en raison du manque d'or mais à cause des dépenses d'approvisionnement. Ils seraient restés s'ils avaient pu trouver un gisement d'un rendement de douze dollars par jour. C'était leur but, c'est-à-dire pour neuf mois de l'année, environ 500 dollars.
Ils dirent qu'il n'y avait aucun doute sur l'abondance de l'or et que certains mineurs obtenaient d'excellents résultats. Il y avait plus d'or que sur le Fraser inférieur et si les provisions étaient moins chères, la région d'Alexandria et de Quesnel était préférable, la seule exception étant que les hivers étaient plus rigoureux. C'était partout, ont-ils dit, un pays de magnifiques pâturages. Vous pouviez monter sur le sommet d'une colline et voir dans toutes les directions, de loin et de près, de belles prairies. L'un de ces hommes s'appelait Clark. [Il était] bien connu comme mineur ayant réussi et l'un des premiers mineurs de près de Yale.

Lundi 18 juin
LES CHARGES INDIENNES
Le commerce entre Yale et le haut pays (c'est-à-dire jusqu'à Lytton à environ 80 milles) est transporté sur le dos des Indiens tout au long de l'hiver et maintenant aussi, en raison du nombre insuffisant d'animaux. J'ai rencontré, il y a un jour ou deux, un groupe d'Indiens, une famille apparemment. Ils étaient tous chargés [de paquets]. J'ai levé chaque [paquet] pour en estimer le poids. La charge de la femme devait peser au moins 80 livres. Une petite fille portait 40 livres. Aujourd'hui, j'étais dans la boutique d'un ferblantier, M. Griffin et j'ai vu faire des paquets qui seraient transportés au matin par des Indiens. Ils pesaient 100 livres, 120 livres et 130 livres chaque. Les Indiens qui devaient les porter étaient venus et les avaient essayés sur leur dos et les avaient arrangés pour le départ. Je pouvais à peine les lever. L'un des paquets, qui contenait des pelles de mineur à long manche, était des plus encombrants à porter. Cependant, ces paquets devaient être portés le long de précipices, jusqu'au sommet de hauteurs presque perpendiculaires et pendant d'épuisants milles sans fin.

Jeudi 21 juin.

UN NOM INDIEN POUR HOPE.

J'ai demandé aux Indiens qui ramaient mon bateau en partance de Yale le nom indien pour Hope. Ils m'ont dit Tsilzlitya.

 
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